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Ces quelques jours à Edimbourg lui furent pénibles. Il se retrouvait obscur, isolé, négligé, dans cette cité que pendant un hiver il avait remplie du bruit de sa renommée. Dans ces rues où naguère on se retournait sur lui, où on le montrait du doigt, personne ne le remarquait. Il en conçut une sorte de courroux et il se hâta de repartir. En rentrant à Ellisland, il écrivait :

« Me voici, mon lionorée amie, revenu sain et sauf de la capitale. Pour un homme qui a un foyer, tout humble ou écarté qu'il soit, (si ce foyer est comme le mien la scène du confort domestique), l'affairement d'Edimbourg deviendra bientôt un objet de fatigue et de dégoût.

« Vaine pompe et gloire de ce monde, je vous hais i ! »

A part ce nuage et cet éclair d'une passion qui semblait éloignée pour jamais, rien ne troubla la paix de ces quelques mois. Les biographes de Burns se plaisent à se l'imaginer continuant à vivre ainsi. Ils le voient occupé et non absorbé par ses travaux agricoles, conversant avec la nature, dans un des endroits de son pays où elle est le plus aimable, ajoutant de temps en temps à ses productions immortelles, avançant en années et en gloire, heureux, vénéré, glorifiant les champs (jui auraient été la scène d'une pareille vie. « La plaine de Bannockburu, s'écrie Lockhart, n'aurait pas été un sol plus sacré - ! » Rêves vains ! Pouvait-il changer sa nature, et son passé et les circonstances ? Il avait en lui sa destinée, et ce moment de bonheur n'est qu'un arrêt sur le bord de jours, de nouveau tourmentés et plus sombres.

Au mois d'août de 1789 , la maison fut prête. Elle n'était pas très grande, mais elle était pittoresquenient située, si près du bord que, dans l'après-midi , son ombre , traversant la rivière , s'allongeait dans les champs de l'autre rive. Les fenêtres donnaient sur l'eau ; le jardin était à une petite distance de la maison ; un joli sentier suivait la berge, et, à mi- chemin de la descente , une source fournissait une eau claire et fraîche. Burns, qui aimait les vieilles coutumes , fit son entrée dans sa demeure selon le cérémonial d'usage : il fit prendre à sa jeune servante la grosse Bible familiale et une coupe pleine de sel, lui dit de les poser l'une sur l'autre , et lui ordonna d'entrer ainsi sous le nouveau toit , afin de porter bonheur à ceux qui l'habiteraient. Lui-même , sa femme à son bras , suivit la petite Betty, la Bible elle bol de sel. Quoiqu'il fit cela en souriant , ces anciennes superstitions le prenaient par ses souvenirs d'enfance et son imagination 3.

1 To Mrs Dunlop, 4th March 1789.

2 Lockhart, Life of Burns, p. 195. ^ R. Chambers, tom. III, p. 51.