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je une énergie d'exécration égale à tes démérites? A cause de loi, le vieillard vénérable, quoique dans cette perfide obscurité il ait blanclii dans la pratique de toutes les vertus qu'enveloppent les cieux, maintenant chargé d'ans et de misère, implore un peu d'aide pour soutenir son existence, auprès d'un fils de Mammon, au creur de pierre, dont la prospérité a été un soleil sans nuage ; et il ne trouve que refus et anxiété. A cause de toi, l'homme sensible, dont le cœur est ardent d'indépendance et tendre de sensibilité, languit intérieurement d'être négligé, ou se toi-d, dans l'amertume de son âme, sOus le mépris de la richesse arrogante et dure. A cause de toi, l'homme de génie, que sa mauvaise étoile et son ambition font asseoir à la table des gens distingués et relevés, doit voir, dans un silence douloureux, ses observations négligées, sa personne dédai- gnée , tandis que la grandeur imbécile , dans ses essais idiots pour faire de l'esprit , trouve la faveur et l'applaudissement ^

Avec cette défiance et presque cette pusillanimité que la pauvreté finit par jeter dans les âmes les plus robustes, la vie lui semblait perfide et dangereuse. Jugeant d'après lui-même, il songeait tristement à ce que serait la vie de ses enfants et cette pensée accroissait encore sa détresse.

Quel chaos d'agitation, de changements et de hasards est ce monde-ci, quand on y réfléchit de sang-froid. Pour un père, qui connaît lui-même le monde, la pensée qu'il aura des fils à y laisser doit le remplir de terreur ; mais s'il a des filles , cette pers- pective, dans ces moments pensifs, est capable de le frapper d'épouvante 2.

Ainsi il voyait tout sombre autour de lui et devant lui.

Les fatigues excessives qu'il subissait ne tardèrent pas à disloquer sa santé. Il semble qu'il ait été pris d'un grand épuisement, d'un abattement, où sou système nerveux, trop surmené, se vengeait et le torturait. Dès le milieu de décembre 1789, il écrivait à M Dunlop une lettre pleine de ses souffrances.

« Je pousse des gémissements dans les soulfrances d'un système nerveux délabré...; depuis pi'ès de trois semaines, je suis si malade d'une migraine nerveuse, que j'ai été obligé de renoncei- à mes livres de l'Excise, étant à peine capable de soulever la tête, encore moins de parcourir à cheval, une fois par semaine, dix paroisses perdues dans des moors. Qu'est-ce donc que l'homme ? Aujourd'hui, dans une santé luxuriante, s'enivrant de la jouissance de la vie ; dans quelques jours, peut-être dans quelques heures, accablé sous le pénible sentiment d'exister, comptant les pas lents des moments pesants par des répercussions d'angoisse, sans vouloir accepter ou sans pouvoir obtenir quelqu'un qui le console. Le jour succède à la nuit, et la nuit au jour, lui ramenant, comme une malédiction, cette vie qui ne lui donne aucun plaisir; et cependant le terme terrible et sombre de cette vie est quelque chose devant quoi il recule.

Dites-nous, ô morts !

Est-ce qu'aucun de vous, par pitié, ne révélera le secret

De ce que vous êtes, de ce que nous serons bientôt ?

Il n'importe 1 — un temps court

Nous fera aussi savants que vous et aussi muets 3.

1 To P«'/cr 7/(7;, nthjan. 1191.

2 To William Dunbar, 14th Jan. 1790.

3 To Mrs Dunlop, 1311» Dec. 1189