Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/473

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 462-

l'été *. Burns resta seul dans la niaisoQ abandonnée et triste. Le rite du bol de sel et la Bible n'avait pas porté bonheur aux premiers habitants ; ces cérémonies-là ne réussissent que si nous y mettons un peu du nôtre. Lorsque les grains lurent mûris, dans la dernière semaine d'août 1791, Burns vendit ses moissons sur pied, aux enchères. Une lettre de lui donne le tableau de la fin de cette journée, qui ajoute encore à ce qu'on a vu des mœurs de ce temps. Cette vente fut suivie d'une soûlerie générale qui dégénéra en bagarre.

J'ai vendu ma récolte, il y a eu aujourd'lmi une semaine et je l'ai bien vendue : une guinée l'acre, en moyenne, au-dessus de la valeur. Mais cette contrée n'avait guère jamais vu une pareille scène d'ivrognerie. Après que la vente fut terminée, environ trente individus se mirent à se baltie, chacun pour soi, et ils se battirent pendant trois heures. La scène dans l'intérieur de la maison ne valait guère mieux- Pas de bataille, il est vrai, mais des gens étendus ivres sur le plancher et vomissant, si bien que nos chiens se grisèrent tellement en circulant parmi eux qu'ils ne pouvaient plus se tenir. Vous devinez aisément comment j'ai goûté la scène ; car je n'étais pas plus parti que vous n'a^ iez l'habitude de me voir 2.

Un peu plus tard, à la Saint-Martin, eut lieu la vente à la criée des outils et du matériel de la ferme. Dans son voyage des Borders, il avait assisté à un de ces encans qui sont le naufrage d'une famille, oii les objets, arrachés à leur travail, ont un air désastreux d'épaves. Ce spectacle lui avait produit une telle impression qu'il l'avait notée: « Vais avec M. Hood, voir la vente d'un malheureux fermier. Préservez-moi, rigide économie et respectable activité, préservez-moi d'être le principal dramatis persona dans une telle scène d'horreur^. » Voici qu'un jour pareil était venu pour lui. Sans doute il avait refuge dans un autre état : mais, tout de même, c'était son vieux métier de. fermier qui était brisé, dont les débris gisaient épars. Un profond chagrin dut saisir tout ce qui, en lui, venait du passé, quand il vit dans la cour ses instruments, sa charrue, la compagne de tant de rêveries, les faulx, ses vaillantes faulx qui menaient si rudement la moisson, le fléau qui rompait ses bras mais laissait son esprit alerte ;

Le fléau monotone du batteur pendant toute la journée m'avait fatigué.

avait-il dit en rentrant le soir oii il composa la Vision. Ils étaient exposés, oisifs, ayant déjà perdu leur bon air de familiarité avec la main humaine, de collaboration, qu'ont les outils en train. Et ses bêtes auxquelles il était attaché, ses chevaux, ses brebis, ses vaches, celles que lui avait données M'^Dunlop pour son mariage, ces animaux auxquels il parlait comme à des personnes ; étonnés, effarés de ce remuement

1 To Thomas Sloan, ist Sept. HQl.

2 To Thomas Sloan, Ist Sept. \1Ql.

3 Journal of thc Border Tour, Friday 25^^ May nST.