Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/499

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sorte de réprobation s'attachait aux libéraux, à ce point que les enfants les regardaient avec terreur.

^' Je puis mentionDer ici que le signe distinctif de tous ceux qui soutenaient ces principes (les principes libéraux) était d'avoir les cheveux coupés courts et de donner ainsi le coup de grâce à la poudre et à la chevelure arrangée avec boudes et queue, laquelle était alors si universellement adoptée qu'aucune personne, occupant le rang de gentleman, nepouvait paraître sans. Parmi les partisans les plus ardents et les plus en vue du citoyennat et du républicanisme était un noble lord de talent distingué. Je me souviens très bien, avec plusieurs de mes camarades, avoir regardé le citoyen comte, avec crainte et curiosité, pendant qu'il passait dans George Street habillé ou je devrais plutôt dire déshabillé dans un surtout grossier, fait de drap qu'on appelait >■• Gratte Canaille «. Sa physionomie brune et sombre, pendant que nous avions les yeux fixés sur lui, fil que nos voix généralement bruyantes tombèrent à un murmure ; nous nous dîmes {sotto voce): v. Oh 1 comme il a l'air effrayant, on dit qu'il veut qu'on coupe la tête du roi. '^ Il s'appuyait sur le bras de l'honorable Harry Erskine, fameux pour son esprit, son talent et ses principes ivhiggistes, qui était le frère de l'avocat non moins célèbre et plus tard chancelier, Tom Erskine. »

Ce souvenir d'un enfant qui avait alors une dizaine d'années n'est-il pas bien probant et ne rend-il pas d'une façon saisissante le vide qui se faisait autour des hommes soupçonnés de libéralisme. Ce ne devait pas être un sectaire bien farouche pourtant que celui qui se promenait si familièrement avec Harry Erskine ^

Quelques avocats comme Henri Erskine et Archibald Fletcher ; Malcolm Laing, l'historien; James Graham , l'auteur du poème écossais Z«  Sahbath ; quelques médecins comme John Allen et John Thompson ; quelques professeurs de l'Université comme Playfair, le mathématicien, Andrew Dalzel, l'humaniste, et Dugald Stewart, formaient un petit noyau d'opinion libérale 2. Est-il besoin de dire que ces hommes, en qui la vertu et la sagesse étaient égales et, chez quelques-uns, supérieures au talent, n'étaient point dos révolutionnaires. C'était à coup sur la fleur et le sel du pays. Et cependant, ils étaient soupçonnés, tenus à l'écart, entourés de méfiance, surveillés. Même Dugald Stewart, dont la vie et l'esprit étaient si purs, dont la parole était si exquise et si mesurée, dont l'ensei- gnement était un charme et qui, selon l'expression de Mackintosh, avait inspiré l'amour de la vertu à des générations d'élèves, Dugald Stewart souffrit de cette implacable et stupide défiance des conservateurs.

Si les choses en étaient là à Edimbourg, foyer intellectuel du pays, où le nombre relatif et le talent supérieur des libéraux les rendaient plus difficiles à attaquer, que devaient-elles être dans les petites villes de pro-

1 Nous avons trouvé cette anecdote dans un livre intitulé Réminiscences of a Scollish Crentleman, by Philo Scotus.

2 Lord Cockburn. Memorials, p. 14:.