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(lîner, on ne pouvait boire un verre de vin à soi seul ; il fallait désigner à haute voix une des personnes de la table, à la santé de qui on buvait et qui buvait à la vôtre. Après toutes ces gracieusetés particulières, quand la table était déblayée, l'hôte portait une santé à chacun des convives, et chacun de ceux-ci à chacun des autres convives et à l'hôte; « en sorte que là 011 il y avait dix personnes, il y avait quatre-vingt-dix santés de bues »i. Ce supplice du dîner était déjà horrible ; ce n'était rien auprès de ce qui suivait. Après le dîner et avant que les dames se retirassent, venaient « les rounds » de toasts, et les « sentiments ». Dans les premiers, chaque gentleman nommait une dame absente et chaque dame, un gentleman absent *. C'est à cette coutume que Burns fait allusion quand il écrit à Clarinda, dans la dernière et singulière lettre qui soit allée de lui à elle : « que chaque fois qu'on lui demandait la santé d'une dame mariée, il proposait Mrs Mac. » Les verres devaient être vidés et retournés en signe d'enthousiasme. Les « sentiments » étaient de courtes phrases épigramma- tiques, des sortes de devises, qui exprimaient des sentiments moraux ou quelque pensée élégante. Les verres remplis, on demandait à un des convives un « sentiment » ^. Les sentiments favoris étaient dans le genre de ceux-ci : « Puissent les plaisirs du soir supporter les réflexions du matin » ou: « Puissent les amis de notre jeunesse être les compagnons de notre vieillesse » ou : « Délicats plaisirs aux âmes susceptibles ». Personne n'échappait à l'obligation de donner son sentiment ; et c'est ainsi qu'un pauvre pasteur, tout enqjêtré, ne sachant que dire, ayant beaucoup réfléchi, proposa un jour : « Le reflet de la lune sur la caluie surface du lac » -^ On vendait des collections de « sentiments » tout faits ; mais les gens d'esprit en improvisaient d'adaptés aux circonstances *.0n peut croire que ce devait être là un des succès de Burns, et que, malheureusement, on devait trop souvent lui en demander. Encore tout cela se passait-il quand les dames étaient là. Après qu'elles s'étaient retirées, les santés et les con- versations continuaient. On voit où les choses en arrivaient. «La situation des dames, remarque le doyen Ramsay, devait fréquemment être très désagréable lorsque, par exemple, les messieurs remontaient dans un état peu fait pour une société féminine ^. » A la fin du dîner, chez M. Riddell, une scène de ce genre se passa. Les hommes, excités par l'ivresse, firent irruption dans le salon oii étaient les dames ^, et, croyant

1 Lord Cockburn , Memorials , p. 32.

2 Id. p 32.

3 Id, p. 33.

  • Voir une collection de ces « Sentimcnls » dans Dean Ramsay, Réminiscences of

Scoilish Life and Chnracler, p. 59, ot aussi des détails sur les livres ou les recueils où les gens sans imagination pouvaient puiser.

5 Dean Ramsay, id., page 48.

6 R. Ghambers , IV, page 49