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Hélas! les promesses ! Il était donc perdu irrévocablement pour être, après une telle leçon, incapable de les tenir ! 11 en était donc au point oii la volonté cesse d'agir et où, l'instrument de toute résolution étant lui-même atteint, la dernière ressource est brisée. C'est alors la fin d'un homme ! Etait-ce donc la fin du poète ?

Il semble qu'il en était là. Il avait paru éprouver un mieux pendant les derniers jours de janvier 1796. Une de ses premières visites fut à son endroit favori, la Taverne du Globe. Il en ressortit vers trois heures du matin, en état d'ivresse '. Le froid était intense ; l'air glacial le saisit et l'étourdit. Il tomba sous un passage voiîté qu'on montre encore, et s'v endormit. L'humidité de l'aube le surprit dans cet engourdissement où le corps n'a même plus la réaction involontaire de la souffrance, et le pénétra. Cet accident fut suivi d'une attaque de rhumatisme qui le retint au lit environ une semaine ; après cette rechute, sa maladie renouvelée fit des progrès rapides. « Alors, dit Currie, son appétit commença à décliner, sa main trembla et sa voix faiblit à la moindre émotion ou au moindre effort. Son pouls devint plus faible et plus rapide, et des douleurs dans les articulations et dans les pieds et les mains le privèrent de goûter le rafraîchissant sommeil. Trop découragé et trop au courant de sa situation réelle pour nourrir quelque espérance de guérison, il son- geait sans cesse à la désolation prochaine de sa famille, et son esprit tomba dans une continuelle tristesse. » Rien n'est pénible comme de suivre, dans les rares et courtes lettres de cette période, l'envahissement de cette pensée d'une fin inévitable et prochaine. Au mois d'avril, il écrivait à Thomson :

« Hélas 1 mon cher Thomson, je crains qu'il ne s'écoule quelque temps avant que je n'accorde ma lyre de nouveau I » Près des fleuves de Babylone elc. » Presque sans cesse depuis ma dernière lettre, je n'ai connu l'existence que par la pression de la lourde main de la maladie, et j'ai compté le temps par les répercussions de la souf- france. Le rhumatisme, le froid et la fièvre ont formé pour moi une terrible Trinité dans l'Unité, qui fait que je ferme les yeux dans l'angoisse et que je les ouvre sans espérance. Je regarde ces jours printaniers et je dis avec le pauvre Fergusson :

« Dites pourquoi un ciel indulgent a-t-il donné La lumière aux désolés et aux malheureux?^ »

Vers le milieu de mai, il écrivait à Johnson:

« Vous devez probablement penser que, depuis quelque temps, je vous ai négligés vous et votre recueil, mais, hélas, la main de la souffrance, du chagrin et du souci s'est, pendant ces derniers mois, posée lourdement sur moi. Laftliction dans ma per- sonne et dans ma famille a presque entièrement banni cette allégresse et cette vie

1 Gùrrie. Life ofBurns, p. 51.

2 To G. Thomson. April 1796.