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bourse et qu'il en était le seul locataire *. » Puis prenant le cachet de sa montre, il voulut le donner en gage. Le cachet vaudrait maintenant une fortune. Il l'avait fait faire exprès et sur ses indications, c'était un cachet de poète : sur un champ d'azur, un buisson de houx avec les pipeaux et la houlette de berger en sautoir. Une alouette des bois chantait au-dessus, perchée sur un rameau de laurier. Il y avait deux devises: l'une en chef: Notes agrestes des bois ; l'autre, en base : Mieux vaut humble buùson que pas d'abri. C'était son blason de noblesse poétique et sa façon de dire (fu'il buvait dans son verre 2. L'hôtelière, voyautqu'ilse préparait à le détacher, frappa du pied avec indignation pour l'en empêcher, et le mari, entrant dans son sentiment de générosité, poussa avec douceur le pauvre poète vers la porte. De plus en plus , il voyait le dénûment s'approcher de lui. Il écrivait à son ami Cunningham :

Ilélas ! mon ami, j'ai peur qu'avant peu la voix du barde ne soit plus entendue parmi vous ! Ces liait ou dix derniers mois, j'ai ("lé souffrant, quelquefois couché, quelquefois debout ; mais pendant ces trois derniers mois, j'ai (-16 torturé par un lior- rible rhumatisme qui m'a réduit presque à la deinière extrémité. Vous ne me recon- naîliiez pas si vous me voyiez maintenant. Pâle, émacié et si faible ({u'il me faut parfois une aide pour me lever de ma chaise ; . . . ma galté, partie ! partie !. . . Mais je n'ai pas le courage de parler davantage à ce sujet. Les médecins me disent que ma der- nière et ma seule chance est de prendre des bains de mer , la canqjagne et h; cheval. Le diable de l'affaire est ceci : quand nn enq)loyé de l'Excise est eu inaclivité, son salaire est réduit à 3o livres au lieu de 50. De quelh; façon, au nom de l'économie, pourrais-je, avec .3> livres, me nourrir moi-même, et nourrir un cheval à la campagne avec une femme cl cin(| enfants à la maison ? Je vous mentionne ceci parce que je voulais vous dcniandci- dCmployer votre influence et celle de tous les amis (pu; vous pourrez rasseniblei-, afin d'obtenir des Conunissîures de t'Excise qu'ils m'accordent mon Iraitemeul intégral. .le pense (pie vous les connaissez tous personnellement. S'ils ne m'accordeot pas cela, il faudra que je dépose mes comptes et que je m'en aille véri- tablement en poèle'K Si je ne meurs pas de maladie, il faudra que je périsse de faim *.

Le Conseil de l'excise décida que le poète conserverait son traitement intégral, mais il n'en fut pas informé à temps et cette angoisse ne lui fut pas épargnée^.

Les bains de mer ap|)ortèrent quelque soulagement à ses souffrances ; il ne parait pas cependant en avoir conçu grand espoir; les quelques lettres qui restent de lui sont de courts adieux ou quelques recomman- dations dernières. Le 10 juillet, il écrivait à son frère :

« Cher frère, ce sera une triste nouvelle pour vous d'apprendre que je suis

^ Mac Dowall. Hislory of Dumfrks^ p. 611.

2 Voir pour ce cachet la lettre à Alex. Cunningham, S^'^ March 1791.

3 En français.

4 To Alex. Cunningham. I^i^ July 1796.

3 Voir Lockhart, Life of Burm, p. 287. — Scott Douglas, tom VI, p 197 en note , et l'extrait d'une lettre de l'Inspecteur Findlater adressée au G/ascow Courier en 1834 et reproduite en partie par R. Chambers, tom IV, p. 192.