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est en quête d'intermédiaires entre elles et lui ; il cherche, avec ces hôtesses importunes et odieuses qu'il avait d'abord chassées dans la première colère de son remords, un modus vivendi, un prétexte à les accueillir ; dont il n'est qu'à moitié la dupe. C'est une transaction oii l'on perd toujours, etoii l'on va sans cesse perdant. On saisit le moment oii Burus y accéda, et l'on suit cette espèce d'acclimatement d'un cœur dans sa faute. Dans quelque temps, après avoir trouvé des excuses à ses erreurs, il en tirera vanité.

Cependant William Burnes approchait de sa fin. Sa constitution affaiblie par les privations, usée par le travail, minée parles inquiétudes, était à bout de résistance. La phtisie y avait pénétré. De derniers chagrins l'achevaient. Il est possible qu'il soit mort sans avoir connais- sance de la faute que son fils avait commise sous son toit, et que ce calice lui ait été épargné. Avec sa rigidité religieuse, c'eût été vraiment pour lui la suprême amertune. Mais, depuis longtemps, les angoisses s'amoncelaient et s'assombrissaient de tous côtés. Il se débat- tait, avec des forces chaque jour plus faibles, contre des difficultés chaque jour plus lourdes, et il était facile de prévoir le moment où il serait écrasé. Il avait pris la ferme de Lochlea sur une convention orale, sans contrat écrit. Pendant quatre ans, les choses allèrent bien ; mais, au bout de ce temps, un malentendu s'éleva entre lui et son propriétaire. Les discussions, les difficultés, les luttes commencèrent. Elles durèrent trois ans, amenant leurs irritations, leurs incertitudes, la fièvre consu- mante des procès. Elles se terminèrent par une décision qui ruinait complètement William Burnes, et le lançait, lui et sa famille, dans le dénûment, dans un gouffre de dettes ^ C'en était trop. Gela acheva de le briser. De quelle tristesse il a fallu que cette période de leur vie fût remplie , pour que Burns ait pu écrire ces terribles paroles et savoir gré à la mort de lui avoir ravi son père. « Après avoir été balloté et entraîné pendant trois ans dans le gouffre des procès , mon père fut sauvé de la prison par une phthisie qui , après deux années de promesses, entra avec bonté et l'emporta là où les impies cessent d'exciter des tumultes et où trouvent le repos ceux dont les forces sont usées ^. »

Bien qu'épuisé de souffrances et assailli de tourments, le père resta pareil à lui-même, calme, bon, un peu plus sombre, un peu plus silencieux peut-être, préoccupé jusqu'au bout de l'instruction de ses enfants. Les fils étaient maintenant des hommes ; mais la seconde fille était encore toute jeune. Elle avait pour occupation de faire paître le bétail peu

' Gilbert Burns, Narrative, et Robert Burns, Autobiographical letter to D^ Moore. 2 Autobiographical Letter to D^ Moore.