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inondations, les tremblements de terre, les pestilences et les famines, lui qui envoyait les vents avec l'ordre de détruire, qui balayait la terre du déchaînement de son courroux. C'était le Dieu des puritains, mais plus sombre encore. Les catastrophes de la nature étaient les signes de son déplaisir. Par lui, le monde était sans cesse menacé de destruction ; les feux d'en bas, les météores d'en haut allumaient dans le ciel des signaux d'alarmes ; les étais et les piliers de notre planète semblaient craquer ; les éléments troublés proclamaient la ruine universelle et le moment présent n'était qu'un répit *. S'il apparaissait tel dans les vers du tendre et délicat Cowper, on devine quel aspect il devait prendre dans les déclamations d'hommes incultes, grossiers et durs.

En même temps qu'ils se faisaient du Tout-Puissant une idée si terrible , ils représentaient l'Ennemi occupé sans cesse au milieu d'eux à son œuvre de perdition. Ses stratagèmes étaient infinis, car, depuis cinq mille ans qu'il s'étudiait à perdre l'homme , il était presque irrésistible. Il rôdait toujours autour de ses victimes. Et ce n'était pas sous la forme toute morale du péché ; c'était un être réel , présent , qu'on pouvait rencontrer chaque jour et surtout chaque nuit « quand les vieux châteaux ruinés et gris font des signes de tête à la lune^. » Il n'y avait pas de village oii quelqu'un ne l'eût vu, sous une des mille figures qu'il prenait. On vivait en un péril constant, au milieu de la trame de ruses que lui et ses méchants esprits ourdissaient, tendaient partout. De quelque côté qu'on se tournât, c'étaient des menaces et des dangers. Les âmes semblaient des oiseaux éperdus entre des cieux de fer d'oii un Dieu implacable lançait ses jugements et des gouffres de feu oîi le Démon leur préparait d'éternelles tortures. Et quel enfer ! C'était un des triomphes des prédicants que de le représenter de façon à faire dresser les cheveux. Les supplices les plus atroces qui puissent déchirer et tordre le corps et l'àme de l'homme, les raffinements de souffrances, étaient énumérés et décrits avec complaisance. Dans une atmosphère de cris et de hurlements, les damnés étaient fouettés de scorpions, plongés dans de l'huile ou du plomb bouillants, suspendus à des crocs parla langue ^. Des scènes plus affreuses complétaient celles-là. Les enfants, dans leurs supplices, accablaient leurs parents de reproches et de malédictions*. Ce qui s'est dépensé de poésie et d'éloquence sombre, dans ces tableaux d'une imagination horrible et parfois grandiose, est incroyable. On ferait avec les extraits des prédications écossaises un

1 Cowper. The Task. Book II, vers 150 et suivants.

2 Address to the Dell.

3 Buckle, tome III, p. 240.

4 Id , p. 242. — Lire pour avoir la collection de ces horreurs, dans l'ouvrage fameux de Th. Boston, lluman Nature in ils Fourfold Stnle , le dernier chapitre, //c//. C'est un cauchemar. Ce fut un des livres les plus populaires en Ecosse au xviii'^ siècle.