Page:Angers - Les révélations du crime ou Cambray et ses complices, 1837.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
62

mie et très honnêtes citoyens du reste, voyaient dans ce scélérat un homme au-dessus du vulgaire, et se fesaient les sincères admirateurs de sa grandeur d’âme.

Quand Waterworth, leur complice, est entré pour déposer contre les accusés, ceux-ci se sont levés brusquement, et l’ont fixé pendant quelque temps avec des yeux de feu, et qui semblaient vouloir plonger dans le cœur du témoin. Mais le dénonciateur s’était préparé à cette rencontre ; car il a levé sur Cambray un œil calme et assuré, et après l’avoir regardé un moment sans éprouver d’émotion en apparence, il s’est tourné vers la Cour et a donné son témoignage avec précision et sang-froid. On appercevait en lui un homme qui avait pris une forte détermination de tout dévoiler, et qui avait dû combattre longtemps avec lui-même avant de se résoudre à cette trahison, tant il parlait avec abandon et résignation. Le sentiment de sa propre conservation n’avait pas éteint le remords que lui fesait éprouver la trahison qu’il exerçait contre ses camarades ; espèce de sentiment confus, qui reste fréquemment au fonds du cœur des scélérats, quand tous les autres penchans honnêtes l’ont abandonné.

Les témoignages étaient accablans contre les accusés, et la seule défense qu’a jugé à propos de faire le conseil de Cambray, s’est réduit à mettre en question la crédibilité du complice ; celle de Mathieu, à demander à Madame Montgomery, si, quoiqu’elle eût entendu prononcer le nom de Mathieu, il n’était pas possible que ce fût une autre personne que lui dont il était question s’il n’y avait pas en effet beaucoup de personnes qui portent ce nom-là. Les Jurés se sont retirés un instant, et sont rentrés bientôt au milieu de l’anxiété générale. Tout le monde, et surtout les prisonniers, cherchaient à lire dans leur figure le verdict, qu’ils allaient rendre. Il s’est fait un moment de silence et le fatal verdict a été prononcé, comme suit : Charles Cambray et Nicolas Mathieu sont coupables du crime dont ils sont accusés.

Mathieu, en recevant ce verdict, n’a paru éprouver aucune émotion quelconque ; il n’a pas même fait un mouvement de contrainte et d’effort, qui indiquât une impassibilité affectée. Cambray, au contraire, a laissé voir un moment d’agitation et d’abattement : mille pensées diverses ont semblé bouleverser son âme en même temps, et peser sur son imagination comme autant de reproches.

Leur procès était terminé : on les a ramenés en prison au milieu de la foule. Cambray, qui était malade et se prétendait trop faible pour marcher, s’y est fait conduire en voiture.

Quelques jours après, quand ils ont reçu leur sentence de mort, prononcée avec une solennité imposante et un accent de douleur et de