Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/154

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dans la même pièce, les trompettes et les tambours, nous verrons bannières, gonfanons, et enseignes, les chevaux blancs et noirs… on prendra leurs biens aux usuriers, on ne verra plus par les chemins les marchands aller tranquilles et les bourgeois vivre sans crainte… celui-là sera riche qui voudra étendre la main. »

C’est en pensant à cette pièce et à quelques autres du même genre qu’un éditeur de Bertran de Born l’a appelé un « condottiere » poétique ; le mot est assez juste. Mais on ne peut nier qu’il n’ait senti en soldat la poésie de la guerre, avec toute sa réalité. Voici sans doute le plus brillant éloge qu’on en trouve dans la poésie du moyen âge.

Bien me plaît la bonne saison de Pâques, qui fait naître feuilles et fleurs ; j’aime à entendre la joie des oiseaux qui emplissent les bocages de leurs chants ; mais j’aime aussi à voir, parmi les prés, tentes et pavillons dressés et j’ai une grande allégresse à voir rangés par la campagne chevaliers et chevaux armés.

J’aime à voir les éclaireurs mettre en fuite les gens qui emportent leurs biens ; j’aime à voir venir après eux une grande masse d’hommes d’armes ; j’aime à voir les forts châteaux assiégés, les fortifications brisées et démolies et l’armée sur le rivage, entourée de fossés et de palissades aux pieux solides et serrés…

Nous verrons à l’entrée de la bataille trancher et rompre masses d’armes, épées, casques de couleur et boucliers ; nous verrons maints vassaux frappés ensemble et les chevaux des morts et des blessés errer à l’aventure ; qu’au moment de l’assaut tout chevalier ne pense qu’à briser bras et têtes, car il vaut mieux être mort que vaincu.

Je vous l’assure, ni le manger, ni le boire, ni le dormir