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ta pitié il arrive que je sois aimé de ton fils. Traite la paix avec ton fils, s’il te plaît, dame, réconcilie-nous avec lui.

Tu réparas la folie qui s’empara d’Adam ; tu es l’étoile qui guide les passants au saint pays ; tu es l’aube du jour dont ton fils est le soleil, car il chauffe et il éclaire, ce fils sincère plein de droiture.

Tu naquis en Syrie, de bonne naissance, mais pauvre d’avoir, douce, pure et pieuse, en actes, en paroles et en pensées, formée en toute perfection, sans aucune tache, ornée de tous les biens ; et tu parus si douce que Dieu descendit en toi.

Celui qui en toi se fie n’a pas besoin d’autre défense ; si tout le monde périssait, celui-là ne périrait pas ; car à tes prières s’adoucit le Très-Haut et ton fils ne contrarie jamais tes volontés.

David en sa prophétie dit en un psaume qu’il fit qu’à droite de Dieu, du Roi promis par la Loi, était assise une Reine vêtue de vair et d’orfroi ; c’était toi, sans aucun doute. Traite la paix avec ton fils, dame, réconcilie-nous avec lui[1].

Cette pièce est imitée en partie des hymnes de l’Église ou plutôt des litanies. Les images en sont empruntées au style biblique ; mais il semble que notre troubadour ait choisi les plus belles et les plus gracieuses et sa prière donne l’impression d’une poésie naïve et originale et ne sent pas l’imitation. Cette poésie en forme de litanie n’est pas d’ailleurs la seule dans la poésie provençale. Un troubadour de la décadence, le même dont nous citions tout à l’heure la hardie tenson avec Dieu, a composé une « aube », en l’honneur de la Vierge ; en voici la première strophe où les images les plus connues des litanies à la Vierge se trouvent réunies.

  1. Raynouard, Choix, IV, 442.