Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/19

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accordez-moi la grâce de revoir un jour ma patrie ! À peine avais-je prononcé ces dernières paroles, que le ciel et l’eau se confondirent à l’horizon, et la terre vint à disparaître. Ma prière fut exaucée, car j’ai revu ma patrie et mes parents.

Cependant, le capitaine voulut profiter de la supériorité que la frégate avait dans sa marche sur les autres navires, et à peine ayant dépassé la rade des Basques, il se détacha de sa division et marcha séparément.

La corvette l’Écho, fine voilière, fut la seule, pendant quelque temps, qui ne nous perdit pas de vue : mais aussi a-t-elle plusieurs fois compromis sa mâture.

Les malheurs inouïs arrivés à la Méduse proviennent, à n’en pas douter, de cette funeste détermination du capitaine, qui ne voulut pas naviguer de conserve avec toute la division. En effet, quand la frégate a été perdue, il ne s’est pas trouvé un seul navire pour nous porter secours.

Le 21 juin, nous doublâmes le cap Finistère. Sept jours après nous aperçûmes Madère et Porto-Santo. Le 15 au matin nous reconnûmes l’île de Ténériff. Dès l’aurore, je m’étais placé sur le pont, pour voir le soleil jeter ses premiers rayons sur une terre qui m’était inconnue. À mesure que nous approchions, des masses de vapeur dérobaient à mes yeux les formes gigantesques du Pic, dont la hauteur est à 3, 711 mètres au-dessus du niveau de