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LA RACE NÉGRITO

ET SA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE

I


Quand les Espagnols, au commencement du XVIIe siècle, pénétrèrent dans l’intérieur de Luçon, ils trouvèrent des populations sauvages à peau noire et à cheveux crépus. Ils donnèrent à ces populations, dont la présence au centre d’un pays malais les surprenait beaucoup, le nom de Negritos del monte, petits nègres de la montagne, appellation fort juste qui rappelle les deux caractères frappants de cette race : sa petite taille et la couleur de sa peau.

Jusqu’au milieu de ce siècle on ne constituait guère les races humaines que sur l’apparence extérieure. Ces petits nègres étaient bien des nègres, puisqu’ils avaient la peau noire et les cheveux crépus. On disait de même pour les indigènes des Andaman, qui, furent aussi révélés comme une curiosité par l’expédition anglaise qui fonda dans cet archipel Port-Cornwallis à la fin du siècle dernier. De même encore pour les habitants de la Nouvelle-Guinée et de la Mélanésie en général. Pour des raisons de simple localisation, on parlait de nègres africains, nègres asiatiques et nègres océaniens.

Les premières études craniologiques semblèrent confirmer cette conception simpliste du nègre. Le nègre d’Afrique est, en effet, dolichocéphale (indice horizontal moyen 72, d’après les Crania ethnica ), comme le Papou (indice horizontal moyen 71), et l’on disait : le nègre est dolichocéphale.

Pourtant, dès 1848, Crawfurd[1] dans une étude d’ensemble des races de la Malaisie et de la Polynésie, proposait de distinguer des Papous de la Nouvelle-Guinée[2] les nègres de plus petite taille et d’aspect différent qui vivent plus à l’ouest. Aux deux stations ci-dessus désignées, les Andaman et les Philippines, il en ajoutait une troisième, située entre les deux premières, la Péninsule Malaise. Il avait vu, en effet, un jeune garçon provenant de l’intérieur du Kedah

  1. « On the malayan and polynesian languages and races  », Journal of Indian Archipelago, t. II, p. 183),
  2. le mot Papou par lui-même pourrait prêter à confusion, car c’est une corruption du mot malais poua-poua, qui signifie simplement crépu ; on pourrait, par conséquent, le rencontrer en tout pays de langue malaise pour désigner aussi bien que les Mélanésiens les petits nègres que nous en voulons distinguer. Nous l’emploierons exclusivement, suivant l’usage le plus général, pour désigner le type Mélanésien.