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voiture les deux chevaux qui servaient d’ordinaire aux travaux des champs et se rendait chez les femmes de qualité des villages voisins : Ashe, Deane et Manydown. Parfois même, à l’occasion d’un bal qui réunissait la meilleure société du comté dans la « salle d’assemblée » de la ville la plus proche, elle faisait sept milles en voiture pour se rendre à Basingstoke.

Les relations de parenté et d’étroite affection qui liaient les Austen au seigneur du village de Steventon, — ce même Mr. Knight auquel le révérend devait sa nomination à son premier bénéfice, — donnaient à la famille du pasteur une importance sociale et une situation bien différentes de celles qu’aurait eues la famille d’un clergyman étranger au district. Mr. Knight et sa femme n’habitant jamais le manoir de Steventon, Mme Austen voyait s’ajouter aux obligations que lui imposait la profession de son mari les devoirs qui incombaient habituellement à la châtelaine : visites aux malades, distributions de secours et de vêtements chauds aux vieillards et aux indigents. Ces devoirs s’accompagnaient de cette surveillance directe et de cette bienveillance active que la « dame du château » exerçait à cette époque, et exerce encore aujourd’hui dans les comtés où survivent l’esprit et les pratiques de l’Angleterre féodale. La femme du pasteur de Steventon allait voir les « cottagers » et donner dans les chaumières des conseils pour l’éducation des enfants et la tenue du ménage. Que ses conseils et sa surveillance fussent des plus nécessaires à l’ignorance et à la simplicité des habitants de Steventon, apparaît dans la réponse que fit un jour à Mme Austen une fermière du pays. Mme Austen, s’étant informée de ce que produisait le jardin potager, engagea la paysanne à planter des pommes de terre, lui assurant que ce nouveau légume était délicieux au goût et très nourrissant. « Non, non, » répondit la bonne femme, « des choses pareilles sont bonnes pour vous autres riches, mais elles doivent coûter trop cher à faire pousser pour des gens comme nous ».[1]

  1. Memoir of Jane Austen by J. E. Austen-Leigh. Page 30.