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de l’auteur d’« Orgueil et Parti pris », et c’est dans ses livres qu’il faut chercher les quelques passages qui semblent avoir une valeur autobiographique. Ainsi, dans « L’abbaye de Northanger », le récit des jeux de Catherine Morland dut être inspiré à l’auteur par ses propres souvenirs : « Elle raffolait de tous les jeux de garçons et préférait de beaucoup le cricket non seulement aux poupées mais à ces plaisirs plus poétiques de l’enfance : élever une marmotte, donner à manger à un canari, arroser un rosier… » … « elle était bruyante et indocile (ce n’est plus évidemment de Jane Austen qu’il s’agit ici), détestait la contrainte et la propreté et n’aimait rien au monde mieux que de rouler du haut en bas de la pente gazonnée derrière la maison ». Cette pente gazonnée qui faisait les délices de Catherine Morland ressemble fort à celle dont parlent tous ceux qui ont vu le presbytère de Steventon avant qu’il fût démoli en 1826. L’éducation de Catherine n’est pas non plus sans analogie avec celle de Jane : « L’écriture et le calcul lui furent enseignés par son père, le français par sa mère ; ses progrès en aucune de ces sciences ne furent remarquables et elle tâchait d’esquiver les leçons aussi souvent que possible ».[1]

Ce que Jane Austen ne mentionne pas dans « L’abbaye de Northanger », c’est le sentiment le plus fort et peut-être le plus profond qu’elle connut jamais : son affection pour son unique sœur, Cassandre, de trois ans son aînée. Cet attachement ne se démentit à aucun moment de sa vie et l’affection qui lia toujours Jane à Cassandre ne fut pas sans laisser de traces dans « Orgueil et Parti pris » et dans « Bon sens et Sentimentalité ». La tendresse mutuelle de deux sœurs est dépeinte et analysée dans ces romans avec une nuance d’émotion qui n’accompagne que très rarement, chez Jane Austen, l’étude d’autres sentiments. Alors qu’elle était encore une toute petite fille, l’affection de Jane pour son aînée était déjà considérée dans la famille comme bien différente de

  1. L’abbaye de Northanger. Chap. I.