Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/190

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Les figures de Mr. et Mme Bennet, sont spirituellement dessinées. Uniquement préoccupée d’établir avantageusement ses cinq filles, la bavarde Mme Bennet ne se lasse pas de vanter leurs mérites et de proclamer que Longbourne et sa société, dont ses filles sont le plus bel ornement, ne le cèdent pour la distinction et l’agrément à aucun pays d’Angleterre. Lorsque Darcy semble douter de si irréfutables propositions, elle lui déclare qu’« en une saison, elle et les siens ont l’occasion de dîner dans vingt-quatre familles du voisinage », et le silence de Darcy lui paraît une preuve que personne, fut-ce le plus orgueilleux et le plus dédaigneux des hommes, ne saurait manquer d’être persuadé par un tel argument. Tant que Darcy parait faire peu de cas de la grâce et de la beauté de ses filles, il est pour elle « un être déplaisant », mais dès qu’il devient le fiancé d’Elizabeth, Mme Bennet se répand en louanges et attentions qui donnent la mesure de sa nature vulgaire et de son esprit borné : « Oh ! ma chère petite Lizzie, quelle fortune et quelle situation tu vas avoir !…. Tout ce qu’aura Jane ne sera rien en comparaison. Dix mille livres sterling de rente, et peut-être davantage ! Ma très chère enfant, dis-moi quel est le plat préféré de Mr. Darcy, afin que je le fasse apprêter pour le dîner ». [1]

Mr. Bennet, qui déclare avec ironie que « nous sommes au monde uniquement pour prêter à rire à nos semblables, et à notre tour, nous amuser à leurs dépens », [2] n’a besoin de chercher bien loin pour exercer son penchant à la satire. Un jour, Mme Bennet vient se plaindre amèrement à son mari que, si elle devenait veuve, Mr. Collins — l’héritier du domaine, puisque les Bennet n’ont pas de fils — entrerait en possession de Longbourne. « En vérité, Mr. Bennet, dit-elle, c’est bien dur de penser que Charlotte Lucas pourrait être un jour maîtresse

  1. Chap. LVII.
  2. Chap. XXIII.