Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/221

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petite. Il est résolu à épouser Catherine dont il se sait aimé, et l’épouse après avoir vaincu la résistance qu’oppose le général Tilney au mariage de son fils avec une jeune personne sans fortune.

Sur cette donnée insignifiante, Jane Austen écrit des pages charmantes, et surtout — chose que nous ne retrouvons pas dans les autres romans, — elle exprime à plusieurs reprises ses goûts et ses opinions. Son rôle de critique, qu’elle ne prend cependant qu’à demi au sérieux, l’oblige à traiter son sujet d’une manière moins impersonnelle. Au lieu de se dérober derrière ses personnages, elle suspend par instant son récit pour discuter telle ou telle question, pour préciser ou commenter tel trait qu’elle juge significatif. À regarder les acteurs de sa petite comédie, à noter les impressions que leur conduite et leurs actions éveillent en elle, elle oublie le plus souvent le décor au milieu duquel se déroule son roman. Ce n’est pas dans « L’abbaye de Northanger » qu’il faut chercher des descriptions de Bath, de ses vieux monuments, de ses rues, de ses salles de fêtes. On y trouve seulement les indications nécessaires pour comprendre et suivre les allées et venues de Catherine et de ses amis. Quand elle narre les aventures de Catherine Morland, Jane Austen s’arrête à l’occasion pour réfléchir mais non pas pour regarder autour d’elle. Ses réflexions, qui sont parfois de véritables digressions, ont à certaines pages une valeur toute particulière, car elles nous apprennent ce que ni les lettres, ni les autres romans ne sauraient nous apprendre. Une défense éloquente du roman et des romanciers auxquels le public doit « un plaisir supérieur à celui que lui a jamais procuré n’importe quel autre genre d’ouvrage », a la valeur d’une apologie, d’une réponse anticipée à toutes les attaques, à toutes les critiques de son œuvre.

Et lorsque Jane Austen passe à d’autres sujets, moins graves, mais peut-être aussi importants à ses yeux, lorsqu’elle donne en passant son jugement sur la société, elle nous livre sans le vouloir quelque chose d’elle-même et du