Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/500

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de Mrs. Radcliffe, se proposent une même fin qui est d’opposer la réalité à la vision absurde et fausse qu’en présentent certains romans. Parce qu’elle connaît de la vie et du cœur humain les seules apparences qu’ils revêtent dans « Clélie » ou dans « Le Grand Gyrus », Arabella voit dans tout homme qui l’approche un amant timide, et dans l’incident le plus insignifiant une aventure qui doit permettre à cet amant de déclarer sa flamme. Les malheurs de l’illustre Mandane lui ont appris que la beauté d’une princesse peut faire naître dans les cœurs, non seulement l’amour le plus soumis et le plus pur, mais une passion coupable. Aussi Arabella découvre-t-elle bientôt chez un bonhomme d’oncle les marques d’une inclination dont sa vertu doit s’alarmer. D’une voix tremblante de pudique indignation, « essuyant quelques larmes qui s’échappent de ses beaux yeux », elle bannit de sa présence celui qui, elle en est persuadée, n’a pu la voir sans brûler pour elle : « Retirez-vous, ô mon malheureux oncle, et puissent la raison et l’absence vous rendre bientôt le Repos. Lorsque vous aurez triomphé des sentiments qui causent à cette heure votre souffrance et la mienne, soyez assuré que vous n’aurez pas à vous plaindre de mon attitude envers vous ». Où Arabella, élevée à l’école des Scudéri et des La Calprenède ne voit qu’amants et que flammes, Catherine Morland, nourrie des non moins solides enseignements du roman à la Radcliffe, ne soupçonne que crimes abominables et diaboliques cruautés. Catherine, de même qu’Arabella, est ramenée par la force de l’évidence à une vision plus saine de la réalité et comprend enfin que le roman sentimental ou romanesque, n’est pas, pour une jeune personne naïve et crédule, la meilleure école de la vie.

Cependant, si la satire de Jane Austen doit quelque chose au roman de Mrs. Lenox, elle n’emprunte au « Don Quichotte féminin » que les traits les plus divertissants d’un roman par ailleurs fort languissant et emploie ceux-ci d’une façon habile et neuve. Les méprises d’Arabella, dont le récit se poursuit à travers d’interminables

Mrs. Lenox, elle n’emprunte au « Don Quichotte féminin » que les traits les plus divertissants d’un roman par ailleurs fort languissant et emploie ceux-ci d’une façon habile et neuve. Les méprises d’Arabella, dont le récit se poursuit à travers d’interminables cha-