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annales de la société j. j. rousseau

pinasse ou d’une Du Deffand. Aucune recherche dans le style, aucune trace d’apprêt littéraire, mais la sérénité de son âme, son honnête sourire, donnent à ses lettres un véritable attrait. Quant aux réponses de Rousseau, on sent dans certaines une grande élévation et une grande sagesse. Les deux correspondants avaient l’un et l’autre souffert. Jean-Jacques, au début de leur commerce, n’était pas encore guéri de sa malheureuse passion pour la comtesse d’Houdetot. Meurtrie, elle aussi, dans ses affections, abandonnée par un ami trop aimé à l’heure précise où elle avait le plus besoin de se sentir soutenue et consolée, la Marquise de Verdelin écrivait à Rousseau « Le plus grand malheur d’une femme n’est pas d’avoir été trompée dans son choix, c’est d’avoir connu l’amour il faut se défier de soi le reste de sa vie, cela fatigue et humilie ». Et dans un autre passage « A force de maux et de contradictions, j’ai appris à me laisser aller comme les arbres de mon jardin au vent qui les plie. Tout ce que je désire, comme eux, c’est de ne pas me rompre. »

Comme nous le verrons, ils s’édifiaient mutuellement, échangeaient des lettres de direction et de con.seils qu’on peut lire avec pr ofit. D’aucuns trouveront cette correspondance bien démodée. Qu’importe Les littératures se succèdent, les systèmes changent, les goûts passent, les modes fugitives nous entraînent, mais l’humanité est la même dans tous les temps.

Cent cinquante ans ont passé sur cette liaison. Malgré tout, le nom de la Marquise de Verdelin restera attaché à celui de Rousseau. Comme les aimables femmes qui ont vécu dans son sillage, elle a été illuminée par le rayon de sa gloire. Mais plus que les autres, elle a droit au souvenir reconnaissant