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madame de verdelin

Mais pour chanter les « charmantes douceurs », il fallait travailler, or Margency était fort paresseux :

« Mon compagnon, écrit Madame d’Epinay, est d’une paresse qui engourdit à la voir il n’a jamais un quart d’heure de suite la même volonté. Veut-on causer ? On ne trouve pas une idée dans cette tête, ou, dans un autre moment, on en trouve en foule de si petites, si petites, qu’elles se perdent en l’àir avant que d’arriver à votre oreille. II commence trente choses à la fois et n’en suit aucune ; il est toujours enchanté de ce qu’il va faire et ennuyé de ce qu’il fait. Il ne manque ni de pénétration, ni de finesse, mais je ne lui ai jamais vu saisir une chose fortement ni extraordinairement pensée »[1].

Comme on sent sous la plume de Mme d’Epinay cette figure de Margency se détacher du papier. On voit le syndic vivre, respirer, parler. Son âme même est fouillée. Il était jugé sévèrement. Mais il savait se défendre. Il avait la raillerie facile. Quelques années plus tard, après la rupture du cercle de la Chevrette, Margency se vengera en écrivant à Rousseau :

« J’oubliais de vous dire que, par le conseil de notre aimable amie (Madame de Verdelin), j’allai voir, il y a deux mois, votre ancienne infante (Madame d’Epinay). Je la trouvai parée comme la fiancée du roi de Garbe. Elle me reçut comme si je l’avais vue la veille et je la traitai comme si je devais revenir le lendemain. H est vrai que je n’y ai pas remis les pieds et que oncq depuis je n’ai entendu parler d’elle. Madame de Verdelin prétendait que je n’échapperais pas à la baguette, mais il

  1. Mémoires de Mme d’Epinay. T. II, p. 249.