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annales de la société j. j. rousseau

« Je la craignais excessivement, dit-il, je savais qu’elle était aimable, mais elle passait pour méchante et dans une aussi grande dame cette réputation me faisait trembler. A peine l’eus-je vue que je fus subjugué. Je la trouvai charmante, de ce charme à l’épreuve du temps le plus fait pour agir sur mon cœur. Je m’attendais à lui trouver un entretien mordant et plein d’épigrammes. Ce n’était point cela, c’était beaucoup mieux. La conversation de Madame de Luxembourg ne pétille pas d’esprit ce ne sont pas des saillies et ce n’est pas même proprement de la finesse, mais c’est une délicatesse exquise, qui ne frappe jamais et qui retient toujours. Ses flatteries sont d’autant plus enivrantes qu’elles sont plus simples on dirait qu’elles lui échappent sans qu’elle y pense et que c’est son cœur qui s’épanche uniquement parce qu’il est trop rempli »[1].

Bref, voilà Jean-Jacques une fois de plus sous le charme. La maréchale se trouva prise aussi. Mais la lune de miel ne devait durer guère plus de quatre ou cinq mois, au cours desquels, au milieu de dix embrassades par jour, Rousseau lisait à sa nouvelle amie les cahiers de la « Nouvelle Héloïse » dont elle raffolait.

Mais les querelles allaient bientôt survenir. Avec ce diable d’homme, on est jamais sûr du lendemain.

Comme Montlouis avait besoin de réparations, le Maréchal de Luxembourg offrit à Jean-Jacques, pendant la durée des travaux, l’hospitalité du Petit-Château. L’écrivain a peint, dans ses « Confessions », ce séjour enchanteur où il composa le cinquième livre de l’ « Emile », dans l’extase et le ravissement.

  1. Confessions Livre Xe. T. III, p. 84.