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madame de verdelin

m’écrire nonobstant cela ! donner des témoignages d’amitié à un homme qui s’ennuie d’entendre ses amis lui parler de leurs chagrins Et quel cas voulez-vous que je fasse, moi de cette amitié, si vous pouvez la prodiguer à qui pense si bassement ? Madame, je puis vous pardonner le tort que vous m’avez fait, non celui que vous vous faites. »[1].

Mais quel était donc ce grand chagrin que Mme de Verdelin essayait de taire ? Elle va nous l’apprendre dans la lettre suivante. C’était le refroidissement de Margency, de l’amant qu’elle aimait passionnément depuis sept ans et que les nouveaux sentiments de piété manifestement affichés devaient tenir éloigné d’elle :

« En nous rendant justice à tous deux, Monsieur, vous auriez dû deviner puisque je n’ai pas l’esprit de me rendre intelligible, qu’en ne prenant pas la liberté de vous confier mes peines, j’ai voulu menager votre sensibilité et votre délicatesse. Enfin n’avez-vous pas imaginé qu’elles partaient d’une cause que vous n’approuvez pas ? Voulez-vous me persuader que vous avez oublié mes erreurs ? Ah Monsieur, je vous pardonnerais de m’en souvenir mais je serai affligée toute ma vie de ce que vous m’avez soupçonnée de vous connaître si mal. Imaginez mon bon voisin, que votre très aimable lettre est tombée entre les mains d’une créature qui n’existait plus ; peignez-vous l’état d’une âme touchée au-delà de toute expression, qui, depuit sept ans ne vit, ne respire que pour un être qui était près de la sacrifier au fanatisme dévôt. La façon dont je vis avec M. de (Margency) m’avait fait voir avec plaisir que la société de M. de Foncemagne, devenu très pieux depuis la mort de sa femme, avait ré-

  1. Correspondance générale. T. V, p. 41.