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annales de la société j. j. rousseau

pas blesser la susceptibilité de Rousseau, il suffirait de lire la réponse qu’elle va faire aux duretés, pour ne pas dire plus, de la lettre précédente :

« Si je disposais de moi et que je fusse maîtresse de mes moments, j’arriverais, Monsieur, demain à votre déjeuner avec le désir et l’espoir de vous faire convenir que ma façon de penser pour vous mérite un autre jugement que celui que vous portez. J’ai eu le tort, Monsieur, d’envoyer un gâteau à M. Coindet, mais au moins convenez que ce sont de ces torts qu’on n’a pas avec ses connaissances. Je conçois qu’on peut leur faire des présents, l’amour-propre y trouve son compte, mais qu’un morceau de citrouille détrempée avec un verre de lait de ma vache fut par elles trouvé bon ou mauvais, qu’elles disent du bien de ma chère Saintonge, l’aiment ou la haïssent, je sens que cela me serait de la plus grande égalité, et il ne m’était pas égal que l’ami de M. Rousseau prit une opinion médiocre de mon gâteau. Je ne puis rien changer à cette façon de sentir, mais je vous promets bien, mon voisin, qu’assurément je me tiendrai en garde contre, car je suis très éloignée de trouver du plaisir à vous déplaire. Mon voisin, vous me jugez mal, si vous croyez que je prétends à mieux qu’à être une bonne femme je fais cas de cette qualité, je borne toute mon ambition à la mériter et à trouver quelqu’un assez vrai pour me dire les choses qui m’en écartent.

« Je crois vous avoir écrit, Monsieur, que je désirais perdre avec vous le titre de connaissance ; vous m’avez fait l’honneur de me dire que vous vouliez des années pour éprouver vos amis. Il y en a si peu que j’ai celui d’être connue de vous, et je suis peu habituée à obtenir les choses que je désire, que je n’ai pas osé me nommer autrement que votre connaissance. Ce n’est pas que je n’aie la date d’un ancien attachement, vous me l’aviez inspiré. Monsieur, avant de vous avoir vu, et quoique