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ANNALES DE LA SOCIÉTÉ J. J. ROUSSEAU

au risque de laisser subsister ses fautes : nous croirons volontiers que ce n’est pas toujours l’imprimeur qui est coupable, mais Rousseau lui-même. La preuve s’établit pour des cas inattendus : « Abruvoir — des fourrés de lilac[1] » imprime Rey, et c’est bien ainsi qu’écrit Rousseau et dans le deuxième brouillon et dans la copie Luxembourg. Or le Dictionnaire de l’Académie dans sa première édition et dans les éditions postérieures, le Furetière de 1732, le Grand Vocabulaire français en 1771, le Dictionnaire de Trévoux en 1752, le Dictionnaire de Féraud en 1787, donnent bien la forme abreuvoir. Mais qu’on ouvre la sixième édition de l’Art de bien parler français, de de La Touche (1747) : on y lit : « Abreuver, abruver. On prononce et on écrit abruver. On ne se sert de ce verbe au figuré que dans le discours familier. Tout le monde est abruvé de cette nouvelle[2]. » Et le Dictionnaire de Richelet, en 1706, 1732, 1759, maintient la même remarque : « Abreuver. Le petit peuple de Paris dit abruver, mais les gens du beau monde prononcent et écrivent abreuver. » C’est dire que Rousseau ne prononce ni n’écrit encore en 1760 comme le beau monde. Les Dictionnaires de Furetière en 1690, de l’Académie en 1694, de Richelet en 1706, impriment Lilas sans commentaire. Mais La Touche nous renseigne encore en reproduisant la remarque de Ménage : « On dit lilas et non pas lilac[3]. » Rousseau a gardé sinon l’ancienne prononciation, tout au moins une ancienne orthographe[4].

  1. IV, 11, pp. 97, 203.
  2. L’Art de bien parler français : 6e édit. Amsterdam et Leipzig. Arkstée et Merkus. 1747, t. II, p. 8.
  3. Ibid. t. II, p. 8. Le Dictionnaire de Hatzfeld et Darmesteter indique que Lilas est emprunté de l’espagnol Lilac.
  4. Cette orthographe pourrait peut-être s’expliquer par la note où Rous-