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DE LA DÉFINITION.
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altérations progressives des divers signes auxquels les hommes ont eu successivement recours, pour noter et communiquer leurs pensées. Quoiqu’il paraisse que les Grecs, nos maîtres et nos modèles dans tous les genres de littérature, se soient assez peu souciés de ce genre de savoir[1] ; nous accorderons sans peine qu’il peut n’être pas tout-à-fait sans fruits dans l’étude même des langues modernes. La recherche des étymologies peut fournir d’ailleurs des lumières très-précieuses sur les temps éloignés de nous, en servant d’appui et quelquefois même de supplément à l’histoire des peuples, en nous faisant, pour ainsi dire, assister aux premières combinaisons d’idées qu’ils ont formées, en développant à nos yeux le tableau graduel du progrès de leur intelligence, et en nous révélant le

  1. On entend chaque jour répéter qu’hors de l’étude du latin et du grec il ne saurait y avoir de salut pour les littérateurs ; et l’on a raison, si l’on convient de n’appeler littérateurs que ceux à qui ces langues sont familières ; car, comme nous l’avons déjà observé plus haut, les définitions sont tout-à-fait libres. Mais si, au contraire, on pense qu’un homme peut mériter le titre d’écrivain, par cela seul qu’il écrit sa propre langue avec pureté et élégance ; on ne verra plus aussi clairement que l’étude de quelque autre langue soit nécessaire pour parvenir à ce but. Les Grecs n’étudiaient uniquement que leur langue, et ils nous ont laissé, en tous genres, des chefs-d’œuvre que nous avouons ne pouvoir atteindre. Les Romains du siècle d’Auguste, outre leur langue, cultivaient la littérature des Grecs ; et nous sommes d’accord qu’ils ne sont pas parvenus à les égaler ; enfin, nous joignons à l’étude de notre propre langue celle de la littérature des Grecs et des Romains ; et nous nous avouons humblement inférieurs aux uns et aux autres. On peut dire sans doute de très-bonnes choses en faveur de l’étude du grec et du latin, comme moyen de parvenir à bien écrire dans les langues modernes ; mais il faut du moins convenir que le succès de cette pratique n’est point prouvé par le fait ; apparemment parce que ses avantages se trouvent plus que compensés par le peu de loisir qu’elle nous laisse pour cultiver notre propre langue ; sur-tout d’après le parti qu’on a pris, dans presque toutes nos écoles, de rendre à dessein l’étude des langues anciennes longue et difficile ; ce qui ne fait pas pourtant que la plupart des jeunes-gens qui en sortent y soient pour cela beaucoup plus habiles.