Page:Annales de pomologie belge et étrangère - 1.djvu/12

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et la plantation des vignobles de Tokai, vers l’an 280 de l’ère chrétienne, est attribuée à cet empereur. Les sombres forêts de la Gaule firent place à des vignobles dans beaucoup de localités du centre et du midi. Cette culture prit une telle extension que le tyran Dioclétien crut nécessaire d’en arrêter les progrès ; il lança un décret qui la prohibait entièrement.

Pline l’Ancien, dans les livres XIV et XV de son Histoire naturelle, constate les richesses pomologiques de son temps. Nous y voyons que la plupart des arbres fruitiers sont exotiques par rapport à l’Italie, et probablement au reste de l’Europe. L’olivier y était inconnu dans les quatre premiers siècles après la fondation de Rome, sous le règne des Tarquin, et cet arbre n’existait pas davantage alors en Espagne ni dans le midi de la Gaule, pays peuplés d’oliviers aux temps de Pline. Il est probable qu’on les fit venir de la Grèce, qui possédait cet arbre dès les temps les plus reculés.

Le prunier était également un arbre nouveau pour les Romains, car le même auteur atteste qu’il était fort peu répandu du temps de Caton, c’est-à-dire 250 ans avant lui, et il cite onze variétés de prunes cultivées ; on en possédait des pourpres, des jaunes, des noires ; celles qui venaient de l’Arménie étaient particulièrement estimées pour leur odeur.

On comptait peu de variétés de pèches, fruit introduit de l’Asie et déjà fort estimé à cette époque ; il se vendait très-cher.

Les abricots, apportés de l’Arménie, étaient connus alors depuis environ 30 ans ; notre auteur ne mentionne aucune variété de cet arbre et se borne à dire qu’il produit un bon fruit d’été, qui se vendait un denier romain la pièce.

Le poirier et le pommier, arbres indigènes à l’Italie, ainsi qu’il résulte de plusieurs passages des auteurs anciens, occupaient le même rang, la même importance qu’on leur assigne de nos jours dans l’économie domestique. Les variétés de poires, mentionnées par Pline, sont au nombre de 43, et il compte 29 pommes. À l’instar de ce qui se fait encore aujourd’hui, on donnait souvent à ces variétés le nom de leurs inventeurs ; c’est ainsi que les Romains cultivaient la poire Décimienne, en mémoire de Décimus, qui l’avait greffée le premier. On citait encore les poires Licériennes, Séveriennes et celle de Dolabella ; une variété plus grosse et très-colorée avait reçu le nom de Tibérienne, en l’honneur de l’empereur Tibère, qui les aimait beaucoup. Un assez grand nombre de ces fruits portaient le nom des localités d’où on les avait reçues. Les poires de Falernes étaient brunes et fort estimées pour l’abondance de leur jus. Celles d’Améria étaient les plus tardives de toutes. La même nomenclature comprend les poires de Soria, d’Ancône, de Tarente, de Barbarie, de Grèce, etc. ; les Laurines et Nardines, ainsi nommées à cause de l’odeur aromatique qu’on leur trouvait. La Volumiene ou Sementine était déjà fort ancienne : Caton l’estimait particulièrement. On peut donc conclure des noms cités plus haut, que la culture du poirier s’était répandue dans une grande partie des pays soumis à la domination romaine composant alors l’univers civilisé.

« Pourquoi dédaignerais-je, ajoute Pline, de nommer les autres espèces, puisqu’elles ont assuré un renom éternel à ceux qui les ont découvertes, à titre de service éclatant rendu à l’humanité ; il n’est rien de si petit qui ne puisse procurer la gloire. »

La nomenclature de la pomone antique nous montre encore le figuier, qui comptait 29 espèces ou variétés, dont l’une, la figue africaine, servit un jour à Caton pour attiser le feu de la guerre contre les Carthaginois.

« Brûlant d’une haine mortelle contre Carthage, inquiet pour la sécurité à venir des Romains, et répétant, à chaque séance du Sénat, qu’il fallait détruire la rivale de Rome, il apporta un jour, au sein de l’assemblée, une figue précoce qui provenait de cette province, et la montrant aux sénateurs : Je vous demande, dit-il, quand vous pensez que ce fruit ait été cueilli ? Eh bien ! sachez qu’il l’a été à Carthage il y a trois jours, tant l’ennemi est près de nos murs. Bientôt on entreprit la troisième guerre punique, où Carthage fut détruite. »

Ainsi cette grande ville, qui avait disputé, pendant plus d’un siècle, l’empire du monde à Rome, qu’elle avait mis à deux doigts de sa perte, fut renversée par un argument tiré d’un fruit. Ce que n’avait pu faire le souvenir des terribles défaites du Trasymène, de Cannes, de la Trébie, fut décidé par une figue dans la main de Caton.

Le cerisier comptait aussi un certain nombre de variétés. Cet arbre paraît n’avoir pas existé en Italie avant les victoires de Lucullus sur Mithridate, et y fut apporté du royaume de Pont vers l’an 680 de l’ère romaine : un siècle plus tard, il était répandu jusque dans la Grande-Bretagne.

Le citronnier, le noyer et le châtaignier étaient également des arbres exotiques relativement à l’Italie. Selon Pline, le premier tirait son origine de la Perse ; le second venait de Sardes. D’après Pallodius, le citronnier a été tiré de l’Assyrie. Ainsi l’Asie aurait doté l’Europe d’une grande partie de ses espèces fruitières ; mais le grenadier, la vigne, le pommier, le poirier, le coignassier semblent avoir été indigènes à l’Italie ; le plus ancien des agronomes latins, Caton, dans son Traité d’économie rurale, les cite comme composant le fond d’un verger romain de son temps, vers l’an 550 de Rome.

Deux ou trois siècles après, Varron et Columelle mentionnent un grand nombre de variétés de ces espèces. Le premier donne des préceptes curieux sur l’installation d’un fruitier. « Il faut, dit-il, avoir soin d’en ouvrir les fenêtres au nord, et laisser un libre cours aux vents qui soufflent de ce côté ; il importe toutefois de les garnir de volets, car le vent