Page:Annales de pomologie belge et étrangère - 1.djvu/18

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dans l’acte de la propagation, se dévoile par l’absence de bourgeons à fleur, et lorsqu’il fleurit encore, par l’impuissance dont sont frappés les organes de la génération.

Selon Van Mons (et le fait nous semble suffisamment prouvé), toutes nos anciennes variétés de poires sont en pleine décadence ; chez plusieurs même, et des meilleures, cette décadence est parvenue à un tel point, que leur culture est presque abandonnée, et reléguée dans des contrées plus méridionales que la nôtre ; il résulte non-seulement de l’expérience du savant professeur, mais des faits qui se passent journellement sous nos yeux, que les variétés anciennes, et même celles d’âge moyen, qui ne sont plus d’aucun rapport en Belgique, quand elles ne sont pas cultivées en espalier, sont encore vigoureuses et productives en haut-vent et en pyramide dans certaines parties de la France.

À l’appui de ce qui précède, nous avons cité les poires Beurré d’Hardenpont, Passe-Colmar, Bon-chrétien de Rance, Délices d’Hardenpont, Reine des poires (L’hoir), Beurré Diel, etc., fruits nés en Belgique vers l’époque où Van Mons commençait l’application de sa théorie, et qui, à cause du lieu de leur naissance, auraient dû, nous paraît-il, échapper un peu plus tard à la loi naturelle de la décadence, et qui se trouvent déjà dans ce cas, en ce qui regarde le fruit particulièrement.

Comme on le voit par ces exemples, il devient très-difficile de fixer, non pas l’âge où une variété cessera d’exister, car, par le moyen de la greffe, cette existence peut se prolonger jusqu’à un laps de temps qui nous est inconnu ; mais bien celle où cette variété aura atteint l’âge de la décrépitude. Cette époque, qui se fait attendre longtemps pour quelques fruits, et que Van Mons avait fixée comme hypothèse à 200 ou 500 ans, est plus rapprochée pour d’autres ; il nous est cependant dès maintenant démontré par des faits, que les arbres très-fertiles et produisant les meilleurs fruits, sont ceux dont la vieillesse sera la plus hâtive, et que les fruits de médiocre qualité et dont la fructification est moins abondante, s’avanceront moins rapidement vers leur décrépitude.

Si nous nous étendons aussi longuement, et si nous insistons encore sur la cause de la décadence de nos arbres fruitiers, c’est afin de bien établir que cette cause n’est autre que la vieillesse de la variété, et parce que cette cause reconnue maintenant par un bon nombre de pomologues distingués, n’est pas encore assez généralement admise et qu’elle sert, comme nous l’avons dit plus haut, de base au système de Van Mons. Lorsque chacun sera bien pénétré de cette vérité, nous ne verrons plus planter, pour être cultivées sous la forme pyramidale ou en haut-vent, toutes ces variétés anciennes dont on ne retirera jamais aucune jouissance.

Avant de terminer cette introduction pour arriver à l’exposition du système de Van Mons sur la régénération des fruits par les semis, il ne nous paraît pas inutile de mettre sous les yeux de nos lecteurs une lettre que ce professeur écrivait à M. Poiteau en 1834. Cette lettre, la voici :

« Je remarque que les plus jeunes variétés, les plus fines surtout, résistent moins aux ravages de la vieillesse, sont plus tôt vieilles que les variétés dont la naissance a précédé la leur : elles ne peuvent atteindre au-delà d’un demi-siècle, sans que des symptômes de décrépitude s’y manifestent. Le premier de ces symptômes est de rapporter moins constamment et de se mettre plus tard à fruit. La souffrance du bois, la perte des belles formes de l’arbre, l’altération des fruits surviennent beaucoup plus tard. Les variétés qui n’ont qu’un demi-siècle d’existence, ne connaissent pas encore le chancre des bouts des branches ni les escarres de la tige ; les fruits ne se gercent pas encore, ne se remplissent pas de carrière, ne coulent pas à la nouûre, ne sont pas encore insipides et secs ; les alternats ne sont encore que d’un an, on peut encore greffer ces variétés sans que leurs infirmités augmentent. Il faut un demi-siècle de plus pour que le comble soit mis à leur souffrance, et que la suppression générale de la variété soit le seul remède à apporter à ses maux.

» Il est pénible de penser que bientôt le Saint-Germain, le Beurré gris, la Crassane, le Colmar, le Doyenné, devront subir cette suppression. Aucune de ces variétés ne réussit plus chez nous (en Belgique) qu’en espalier ; mais ce succès est aux dépens de leurs louables qualités.

» Dans ma jeunesse, au jardin de mon père, ces variétés formaient encore des arbres superbes, d’une belle santé, et rarement leurs fruits avaient des vices. O quantum distans ab illis ! Quelle déchéance au bout d’un temps si court, dans l’espace de 60 ans ! Je le répète, l’avantage de la variation jeune est d’être sans aucun vice[1]. »

Entièrement convaincu de la dégénérescence des arbres fruitiers par l’âge, Van Mons se mit à rechercher les moyens d’y remédier ; un seul se présentait avec quelque chance de succès, la nature elle-même l’emploie dans le but de la conservation et de la propagation des végétaux existant sur la surface de notre globe terrestre ; mais le but de la nature est bien différent de celui de l’homme ; en effet, il lui importe peu, à elle, que le fruit qu’elle procrée soit selon nos goûts ; une seule chose lui importe, c’est la conservation de l’espèce, et le semis ordinaire y pourvoit largement : il s’agissait donc ici d’obliger la nature à varier, et à entrer dans une variation non interrompue et, en quelque sorte, sans bornes.

  1. Tout en admettant la dégénérescence des arbres fruitiers, nous avons cependant peine à croire qu’elle ait lieu aussi rapidement.