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Le bois du poirier est pesant, dur, serré, fin et rougeâtre ; il prend un très-beau poli et n’est pas sujet à être piqué par les insectes ; il convient à divers emplois de l’ébénisterie, à la confection d’outils de menuisier, et de planches à l’usage de la gravure sur bois.

La poire s’utilise de mille manières dans l’économie domestique et dans le commerce. Les plus estimées se mangent sans aucun apprêt, et forment un des plus beaux ornements de la table. Les variétés à chair dure ou cassante sont réservées pour la cuisson ; d’autres, telles que le rousselet, sont estimées pour la dessiccation.

L’art du confiseur tire parti de ces fruits ; dans les provinces méridionales de la Belgique, les poires trouvent un emploi très-commun dans la fabrication du poiré, confiture économique, dont la préparation fort simple consiste dans l’extraction du jus des fruits par le moyen d’une presse, et dans l’évaporation des parties aqueuses, par une cuisson lente.

En France, on fabrique un produit analogue qui doit sa qualité supérieure à l’adjonction d’une partie de jus de raisin. La plus renommée de ces préparations est le raisiné de Bourgogne.

Le jus de poire, conservé et fermenté dans les tonneaux, devient une liqueur enivrante dans le genre du cidre ; au moyen de l’acidification, il peut être transformé en vinaigre.

Sous toutes les formes que nous venons d’indiquer, ce genre de fruit est un aliment aussi sain qu’agréable, dont l’usage devrait être plus répandu dans l’intérêt de l’hygiène et du bien-être populaires. Cette utilité est reconnue dans quelques contrées de l’Europe, surtout en Allemagne, où l’on a introduit l’usage des plantations d’arbres fruitiers le long des routes.

Le poirier convient essentiellement à ce genre de plantation par sa végétation élancée et vigoureuse. Son bois est d’une plus grande valeur que celui de la plupart des arbres qui bordent généralement nos routes[1].

La conservation des poires exige des soins particuliers au moment de la récolte ; les variétés d’été et d’automne doivent être cueillies quelques jours avant d’être consommées ; la plupart deviennent pâteuses, si on les laisse trop longtemps sur l’arbre.

Les poires d’hiver et de printemps se récoltent depuis la fin de septembre jusqu’au 25 octobre. Le moment précis, pour chaque variété, est indiqué par l’imminence de la chute des fruits que l’on constate en les soulevant légèrement. Il convient de choisir, autant que possible, un temps sec pour cette récolte, et de placer les poires, pendant quelque temps, dans des greniers, des remises ou autres locaux aérés, d’où on les descend au fruitier dans la première quinzaine de novembre. Il est essentiel de rebuter tous les fruits tachés, fendillés ou défectueux, dont le contact gâterait les autres. Les conditions essentielles d’un bon fruitier sont une température très-égale, de 3 à 5 degrés au-dessus de zéro, et une atmosphère plutôt sèche qu’humide.

L’importance de la culture du poirier était déjà reconnue dans l’antiquité ; dans l’Odyssée (chant vi), Homère en parle en donnant la description des jardins du roi de l’île des Phéaciens. Le plus ancien des agronomes latins, Caton, le mentionne parmi le petit nombre d’arbres fruitiers dont un verger romain se composait, alors que le cerisier, le pêcher et l’abricotier n’avaient pas encore été apportés d’Asie.

Un siècle plus tard, Pline donne les noms d’environ 60 variétés de son époque. Cet écrivain fait un grand éloge de ces fruits et en décrit les qualités particulières. Parmi ces variétés, en est-il qui se seraient perpétuées jusqu’à nous, à travers les siècles de barbarie qui séparent la civilisation romaine de la nôtre ? Certaines traditions font remonter jusqu’aux Sabins la conquête du poirier de Rousselet, mais ces assertions manquent de preuves solides et resteront toujours controversées. En comparant entre elles les nomenclatures de poirier qui nous ont été laissées par Olivier de Serres, écrivain du xvie siècle, la Quintinie, dont l’ouvrage date du xviie, et Duhamel, qui

  1. Il est déplorable de voir les marchés des villes si mal approvisionnés de fruits ; les populations ne peuvent s’y procurer, à grands frais, que des poires de second ou de troisième ordre ; cependant, il est peu de fruits d’un transport aussi facile et d’une aussi longue garde. Ces considérations doivent attirer l’attention des cultivateurs sur les plantations de poiriers, au point de vue de la consommation intérieure et de l’exportation.