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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE


On pourrait croire qu’arraché au monde des contingences, le yogin en état de samādhi se trouve en dehors des relations de temps et d’espace. Ce serait mal connaître l’amour des Hindous pour les arrangements bien symétriques et puérilement artificiels. L’Iśvara-gitā[1] nous apprend que la dhāraṇā dure autant que 12 prāṇāyāma ; le dhyāna équivaut à 12 dhāraṇā, le samādhi à 12 dhyāna ; en comptant quatre secondes par prāṇāyāma, cela ne donne pas tout à fait deux heures pour un samādhi.

VI. Le Haha-yoga.

C’est une croyance universelle que pour entrer en communication directe avec un dieu, il faut s’être soumis d’abord à un entraînement particulier. La méthode employée diffère grandement suivant le niveau religieux ; ici toute matérielle, là de plus en plus psychique. Chez les peuples de la nature, les jeûnes prolongés, les mutilations, les longues stations dans la solitude, la continence, l’emploi de fumigations et de narcotiques, une gesticulation violente, tels sont les moyens auxquels on recourt en général pour mettre le sujet dans un état d’extrême surexcitation. Plus le fonctionnement normal de l’existence sera aboli chez l’homme, plus il semblera s’élever au-dessus de l’humanité et prendre quelque chose de divin : les lois de la nature grossière n’existeront plus pour lui, et le champ de sa vision s’agrandira infiniment.

Dans la religion védique aussi, les rites de consécration comportent de pénibles mortifications, des jeûnes, l’observation temporaire de la chasteté, le silence, une solitude relative. C’est que le père de famille qui s’apprête à sacri-

    dehors, vide comme un vase dans l’espace ; plein dedans, plein dehors, plein comme un vase dans l’océan » (IV, 56). Le yogin, dit le commentaire est vide parce qu’il est soustrait à l’action du monde extérieur : il est plein, parce que, dedans et dehors, il est confondu avec le brahman.

  1. Citée par le Y. S. S., p. 44 in.