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ANNALES DU MUSÉE GUIMET


ans qui suivent, à la suite d’une tentative d’Ahriman de faire irruption dans le monde spirituel, Auhrmazd fait passer le monde à la forme matérielle et le mouvement commence.

Le Bundahish est un livre de forme relativement récente, car il est postérieur à la conquête arabe : mais il reproduit fidèlement un fond avestéen. En effet la partie cosmogonique repose sur le Nask Dâmdât : or le Dâmdât, d’après l’analyse du Dînkart, traitait d’abord de la création du monde dans l’Esprit ; « combien de temps et comment il fut tenu dans l’Esprit : et comment en fut créé le monde matériel… » ^^1. La doctrine appartient donc à l’Avesta même ; et, pour enlever tout doute à ce sujet, un heureux hasard nous a conservé un fragment zend, probablement du Dâmdât, qui la suppose tout entière. Le Vendidad pehlvi, exposant la doctrine des quatre périodes exactement dans le sens du Bundahish, renvoie comme autorité au texte zend : cvañtem zrvânem mainyava stish ashaonô dâta as, « Combien de temps dura la création spirituelle du dieu du Bien^^2 ? »

Il est impossible de n’être point frappé du caractère tout platonicien de cette conception, qui est l’application de la doctrine des Idées à la cosmogonie magique ; et l’hypothèse se présente d’elle-même qu’il y a là une substitution tardive à la conception plus simple et toute naturelle de Théopompe et du magisme pré-alexandrin. Elle n’a pu entrer dans le Zoroastrisme qu’à un moment où la philosophie grecque pénétrait l’Orient. Cette hypothèse, qui au premier abord paraît hardie, de rattacher l’Avesta par un côté à l’Académie, perd ce qu’elle a de paradoxal, quand on se rappelle que l’histoire parsie de l’Avesta fait, à la fin du iiie siècle de notre ère, insérer dans le livre sacré des textes repris du grec, sur la naissance et la destruction (yahvûnishn le-vinâsiskn) ou, comme diraient les Grecs, la génération et la corruption^^3 ; et quand on se rappelle que le grand prêtre

1. Dînkart, VIII, 5, 1-2 : yahbûnt-î dâm (source du titre Dâm-dât) î pâhlûm fartûm pun mînôgîh, û-cand cîyûn dâshtan pun minôg, û dâtan ajash yîti (= gaêthya stish). Cf. Dinkart, IX, 24, 19.

2. Voir le Fragment au Vd. II, 20 c (infra, p. 51). Les Gâthas mêmes semblent faire allusion à cette création spirituelle précédant l’autre : yastâ mañtâ pouruyô (Yasna XXXI, 7a), « c’est lui qui le premier a pensé le monde » : l’interprétation du Dînkart, ibid., note 29, y voit une allusion à la création idéale.

3. Voir plus haut, p. xxxiii, note 1.