Page:Anonyme - Huon de Bordeaux, chanson de geste.djvu/73

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Sommaire.

Charlot ne l’entend point de la sorte, et comme Gérard s’apprête à tourner bride, il se précipite sur lui, la lance baissée, et le perce d’outre en outre. Le coup n’était pas mortel, mais Gérard tomba à terre évanoui. L’abbé de Cluny l’a vu tomber et s’écrie en pleurant : « Ton frère est mort, beau neveu ! — Ah ! cruelle rencontre, dit Huon, ah ! bonne mère, qui l’avez si doucement élevé ! Sainte Marie, que deviendrai-je ? Reine, dame, vierge, mère, venez à mon secours ! Sire abbé de Cluny, m’aiderez-vous à maintenir mon droit ? car il faut que je sache qui a commis ce meurtre ; il faut que le coupable périsse de ma main, ou moi de la sienne. — Beau neveu, répond l’abbé, nous sommes prêtres sacrés et bénis, nous ne pouvons assister à mort d’homme. — Hélas ! dit Huon, quelle parenté j’ai là ! Et vous, mes chevaliers, m’aiderez-vous ? — Jusqu’à la mort, » répondent-ils, et ils s’élancent à sa suite. P. 20-25.

L’abbé les voit partir en pleurant, et prie Dieu de protéger Huon et ses hommes ; puis il continue sa route, mais assez lentement pour voir de loin le combat et en connaître l’issue. — Huon court à son frère, et lui demande tout ému : « Frère, dis-moi si tu pourras guérir. — Je ne sais, répond Gérard, mais je me sens près de la mort. Pense à toi, et fuis, au nom de Dieu, car je vois luire des heaumes dans ce bois. — À Dieu ne plaise, dit Huon, que j’aie la vie sauve si tu demeures ici. Avant de revoir Bordeaux, j’aurai tué ton meurtrier, ou il me tuera. » À ces mots, il pique son cheval arabe, s’élance, sans attendre ses compagnons, à la poursuite de Charlot, le rejoint, le défie et le tue. Amaury voit tomber le fils de Charlemagne et pousse un cri de joie. Huon s’em-