Page:Anonyme - Huon de Bordeaux, chanson de geste.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxvj
Sommaire.

l’empereur. — « Seigneurs, dit-il à ses barons, vous pouvez maintenant retourner près de Charlemagne. — Non, certes, répondent-ils, nous vous suivrons jusqu’à la mer Rouge. » — Garin renvoie son navire à Brindes, et prend avec Huon et ses compagnons le chemin de la mer Rouge. P. 85-87.

Ils traversent plusieurs contrées sauvages, et d’abord la Féménie, pays désolé, où le soleil ne luit jamais, où les femmes sont stériles, où le chien n’aboie point, où l’on n’entend point le coq chanter. Il entre ensuite chez les Conmains, nation qui ne mange point de blé, mais se nourrit de chair crue comme les mâtins. Les Conmains vivent en plein air, sont plus velus que des sangliers, et sont cachés sous leurs oreilles. Huon en a grand peur, mais à tort, car ils ne font aucun mal. Ils traversent encore la terre de Foi, où les blés appartiennent à tout le monde, et où chacun en peut prendre à volonté sans que personne l’en empêche. Huon ne séjourne pas dans ce pays, car il a hâte d’arriver au terme de son voyage. Après avoir cheminé quinze jours, les vivres lui manquent : il ne trouve plus de quoi nourrir un enfant. — Sa consternation. — Il rencontre dans un bois un homme à longue barbe, chargé d’une houe et marchant à grand peine ; il le salue en ces termes : « Prud’homme, que le Dieu qui répandit son sang pour les pécheurs le vendredi-saint ait en sa garde votre âme et votre corps ! » — À ces mots, le vieillard accourt, saisit la jambe de Huon et la lui baise plus de vingt fois. « Damoiseau, lui dit-il, qu’il vous ait aussi en sa garde le Dieu qui naquit de la vierge à Bethléem. Voici plus de trente ans que j’habite ce bois, et que je n’ai point vu un homme croyant en Dieu. D’où êtes-vous et où allez-vous ? Je ne puis, en vous voyant, me défendre