Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/11

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La voix que nous avons entendue est celle d’une belle jeune fille, grande, élancée et très élégamment vêtue. Sa tête d’un ovale régulier est encadrée par des cheveux d’un blond doré ; de grands yeux bleus, fendus en amande, donnent à sa physionomie une expression d’un charme incomparable. Non seulement elle est régulièrement jolie, mais il y a en elle un don de fascination, qui semble d’ailleurs se faire sentir sur le jeune homme qui se tient debout à ses côtés ; car celui-ci ne la quitte pas des yeux, et l’admiration avec laquelle il la contemple frapperait le visiteur le moins perspicace.

Ce dernier est d’ailleurs un charmant garçon, d’une distinction tout à fait remarquable. Ses vêtements sont simples et ont depuis longtemps cessé d’être neufs. Mais il donne à tout ce qu’il porte un cachet de bon ton qui se reconnaît à première vue, et qui, partout ailleurs que dans la libre Amérique, passerait pour le signe indéniable d’une naissance aristocratique.

— C’est très bien, dit-il, c’est véritablement très bien. Votre voix s’est étonnamment élargie depuis quelque temps.

— Est-ce un compliment ou pensez-vous réellement ce que vous dites ? demanda la jeune chanteuse avec un éclair de satisfaction.

— Sans aucun doute. Vous vous êtes merveilleusement tirée de cette note haute qui ne venait pas la semaine dernière.

— Oui, il m’a semblé que ma voix montait jusqu’au plafond, dit-elle gaiement. Je crois que maintenant la leçon est finie.

— Non. je vous en prie, ne vous en allez pas encore. Je voudrais essayer avec vous une romance du 18e siècle que je viens de recevoir. C’est très joli et tout à fait dans votre voix.

— « L’amour attend, » dit-elle en lisant le titre avec un léger mouvement d’épaules. Je suppose que c’est quelque chose de sentimental et de langoureux. Qu’est-ce qu’il attend, l’amour ?

— Lui seul le sait. Si j’étais à sa place, j’aurais sa hardiesse et je n’attendrais que l’occasion…

— « Le temps perdu ne revient pas, » murmura la chanteuse en lisant le texte et en regardant obstinément la musique.

— Laissez-moi voir, dit le jeune homme, en posant la main sur son bras et en la regardant dans le blanc des yeux.