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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

ron. » Le forgeron ne se souciait pas de le prendre, à cause de la cherté des vivres. Ulespiègle le pria de lui donner de l’ouvrage, disant qu’il ferait tout ce qu’il voudrait, et qu’il mangerait ce que les autres ne voudraient pas. Le forgeron était méchant et railleur, et il se dit : « Prends-le à l’essai pour huit jours ; tu ne te ruineras pas à le nourrir pendant si peu de temps ! » Le matin ils commencèrent à forger, et le forgeron fit travailler durement Ulespiègle, à la forge et aux soufflets, jusqu’à midi, heure du dîner. Le forgeron avait des latrines au milieu de sa cour. Au moment de se mettre à table, il prit Ulespiègle, le conduisit aux latrines, et lui dit : « Vois, tu as dit que tu mangerais ce que personne ne voudrait manger, afin que je te donne de l’ouvrage. Voilà quelque chose que personne ne veut manger ; mange-le. » Là-dessus il rentre et se met à table, laissant Ulespiègle dans les latrines. Ulespiègle ne répondit rien et pensa en lui-même : « Te voilà pris. Tu as souvent fait des farces aux autres, des tours pareils et de pires ; te voilà mesuré avec ta mesure ; comment vas-tu maintenant prendre ta revanche ? car il faut que tu te venges, l’hiver fût-il encore plus rude. » Ulespiègle travailla jusqu’au soir. Le forgeron lui donna un peu à manger, car il avait jeûné toute la journée, et se rappelait encore qu’on l’avait envoyé aux latrines. Comme Ulespiègle voulut aller se coucher, le forgeron lui dit : « Lève-toi demain matin de bonne heure ; la servante tirera le soufflet, et tu forgeras tout ce que tu auras et tu en feras des clous