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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

la voiture et reprirent leur place. Le marchand était furieux, et dit à Ulespiègle : « Mauvais garnement, que jamais bien ne t’arrive ! Puisses-tu aller au gibet ! » Ainsi fit Ulespiègle ; quand il fut arrivé sous le gibet, il arrêta et détela les chevaux. Alors le marchand lui dit : « Que fais-tu là, et quelle est ton intention, mauvais garnement ? – Vous m’avez dit d’aller au gibet, dit Ulespiègle ; nous y sommes. Je croyais que vous vouliez y rester. » Le marchand se pencha hors de la voiture : ils étaient sous le gibet. Que faire ? Ils se mirent à rire de cette folie, et le marchand lui dit : « Remonte sur le siège, mauvais sujet, et file tout droit sans te retourner ! » Alors Ulespiègle retira la cheville qui attachait le train de devant à celui de derrière, et lorsque la voiture eut roulé pendant quelque temps, elle se divisa en deux, et le train de derrière resta sur place. Ulespiègle continua son chemin tout droit devant lui. Ils se mirent à l’appeler et à courir après lui, au point qu’ils en tiraient la langue longue d’un pied quand ils le rattrapèrent. Le marchand voulait le rouer de coups ; mais le curé le défendit de son mieux. Ils achevèrent leur voyage, et au retour la dame demanda comment cela s’était passé. « Assez drôlement, dit le marchand, mais nous voilà de retour. » Puis il appela Ulespiègle et lui dit : « Compagnon, reste ici pour cette nuit, mange et bois ton soûl, et demain vide-moi la maison ; je ne veux pas de toi plus longtemps. Tu es un malicieux déterminé, d’où que tu viennes. – Seigneur mon Dieu ! dit Ulespiègle, je fais tout ce qu’on