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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

n’est pas l’habitude des honnêtes gens qu’un invité laisse à la porte celui qui l’a invité. – Pouvais-je, dit Ulespiègle, faire autrement que vous ne m’avez dit ? Vous m’avez dit que vous ne vouliez avoir d’autre hôte que moi ; si j’avais laissé entrer d’autres personnes, cela ne vous aurait pas fait plaisir. » En disant cela il sortit. Le facteur le regarda s’en aller et lui dit : « Je te revaudrai cela, si malin que tu sois. — Que le plus malin soit le maître ! » dit Ulespiègle. Incontinent le facteur alla chez l’équarrisseur, et lui dit qu’il y avait à l’auberge un brave homme nommé Ulespiègle dont le cheval était mort, et qu’il allât le prendre, et il lui montra la maison. L’équarrisseur reconnut bien le facteur, et lui dit qu’il le ferait. Il s’en alla avec sa charrette d’équarrisseur devant l’auberge que le facteur lui avait indiquée, et demanda Ulespiègle. Ulespiègle sortit et lui demanda ce qu’il voulait. L’équarrisseur répondit que le facteur était allé lui dire que le cheval d’Ulespiègle était mort, et qu’il vînt le chercher, et lui demanda s’il s’appelait Ulespiègle et si cela était vrai. Ulespiègle se retourna, abaissa ses grègues, et, prenant ses fesses à deux mains, lui dit : « Tiens, va dire au facteur que si Ulespiègle n’est pas dans cette rue, je ne sais où il est. » L’équarrisseur se mit en colère, et s’en alla en jurant, avec sa charrette, devant la maison du facteur ; il laissa là sa charrette et le fit appeler devant les juges. Le facteur fut condamné à lui donner dix florins, et Ulespiègle sella son cheval et quitta la ville.