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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

se réjouirent. La vieille qui fêtait sa cinquantaine était au haut bout de la table, suivant la coutume. Elle se sentit fatiguée, et comme elle aurait pu se trouver mal, on la laissa sortir. Elle s’en alla dans la cour s’asseoir au bord de la Gerdaw, et se mit les pieds dans l’eau. À ce moment, le prévôt et Ulespiègle se disposaient à retourner à Epsdorf. Ulespiègle faisait piaffer et caracoler son jeune étalon, et le fit tant et si bien qu’il laissa tomber la bourse et la ceinture qu’il portait, suivant la mode du temps. Aussitôt que la bonne vieille s’en aperçut, elle courut prendre la bourse, et revint s’asseoir dessus au bord de l’eau. Après avoir parcouru un bout de chemin, Ulespiègle s’aperçut qu’il avait perdu sa bourse, et revint sur ses pas au galop. Arrivé à Gerdaw, il vit la bonne vieille paysanne, et lui demanda si elle n’avait pas trouvé une vieille bourse ridée. La vieille lui répondit : « Oui, mon ami, le jour de mes noces j’eus une bourse ridée. Je l’ai encore et je suis assise dessus ; est-ce celle-là ? – Oh ! oh ! y a-t-il si longtemps ? dit Ulespiègle ; si elle date du jour de ton mariage, cela doit nécessairement être une vieille bourse rouillée. Je n’ai pas affaire de cette vieille bourse-là. » Ainsi Ulespiègle, tout malin et rusé qu’il était, fut attrapé par une vieille paysanne et dut renoncer à sa bourse. De semblables bourses ridées sont encore en la possession des femmes de Gerdaw ; je crois que les vieilles veuves de l’endroit en ont la garde. Si quelqu’un en a affaire, il y peut aller voir.