Page:Anonyme - Les Aventures de Til Ulespiegle.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

cela empesta toute la salle. Alors le baigneur dit : « Je vois bien que les paroles et les actions ne se ressemblent pas toujours. Tes paroles m’étaient agréables, mais il n’en est pas de même de tes actions ; car tes paroles étaient pures, mais tes œuvres sentent mauvais. A-t-on l’habitude de se conduire ainsi dans la maison de purification ? – N’est-ce pas, dit Ulespiègle, une maison de purification ? J’avais plus besoin de me purifier du dedans que du dehors, sans quoi je ne serais pas entré. – Pareille purification, dit le baigneur, se fait au privé. C’est ici une maison où l’on se purifie par la transpiration, et tu en fais des latrines. – N’est-ce pas, dit Ulespiègle, de l’ordure sortie d’un corps humain ? Si l’on veut se purifier, il faut se purifier intérieurement aussi bien qu’extérieurement. » Le baigneur dit en colère : « Ici on se purifie de cette façon dans le privé, et l’équarrisseur mène cela à la voirie ; moi, je n’ai pas l’habitude de le laver et de le balayer. » Puis il dit à Ulespiègle de sortir de chez lui. Ulespiègle répondit : « Monsieur l’hôte, laissez-moi d’abord me baigner pour mon argent. Vous voulez beaucoup d’argent ; moi, je veux bien me baigner. » Le baigneur lui dit qu’il n’avait qu’à s’en aller ; qu’on ne voulait pas de son argent ; que s’il ne voulait pas s’en aller, il lui montrerait bientôt la porte. Ulespiègle pensa qu’il ne faisait pas bon là à lutter nu contre un homme armé d’un rasoir ; il sortit en disant : « Quel bon bain j’ai pris pour un tas d’excréments ! » et il se retira dans une chambre où le baigneur avait l’ha-