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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

à retirer leurs souliers et à les lui donner. Dès qu’il les eut, il les passa à une courroie et les emporta. Quand il fut sur sa corde avec les souliers, chacun le regardait de tous ses yeux, pensant qu’il allait faire quelque bon tour ; les jeunes gens commençaient à être inquiets, et auraient bien voulu ravoir leurs souliers. Til était sur la corde, et après quelques tours il s’écria : « Attention ! que chacun cherche son soulier ! » Ce disant, il coupa la courroie et jeta tous les souliers pêle-mêle sur le sol. Alors chacun de se précipiter sur la masse de souliers et d’attraper ce qu’il pouvait. L’un criait : « C’est mon soulier ! – Tu mens ! disait l’autre, il est à moi ! » Là-dessus ils se prennent aux cheveux, se battent, se renversent ; l’un est dessous, l’autre dessus ; l’un crie, l’autre pleure, un autre rit. Cela dura si longtemps que les parents des jeunes gens s’en mêlèrent et commencèrent à se pelauder rudement. Cependant Til était sur sa corde et leur criait en riant : « Hé ! hé ! cherchez vos souliers, comme l’autre jour je me suis baigné ! » Puis il gagna le large, et laissa vieux et jeunes se disputer les souliers. Mais de quatre semaines il n’osa se montrer ; il passa tout ce temps auprès de sa mère, occupé à raccommoder des souliers. Sa mère en fut toute joyeuse ; elle pensait qu’il n’y avait pas encore à désespérer. La pauvre femme ne savait pas le tour qu’il avait joué, par suite duquel il n’osait sortir de la maison.