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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

que cela ? – S’il y avait eu autre chose, dit Ulespiègle, je vous aurais apporté davantage ; mais il n’y avait que cela. » Le maître fut furieux et dit : « Tu as volé la justice de monseigneur, et volé son gibet ; je vais m’en plaindre au bourgmestre, et tu verras ! » Le maître sortit et se rendit au marché ; Ulespiègle le suivit. Le maître se hâtait tellement, qu’il ne se retourna pas, et ne remarqua point qu’Ulespiègle le suivait. Le bourgmestre était sur la place du marché. Le boulanger s’avança vers lui et commença sa plainte. Ulespiègle était tout près de lui et ouvrait de grands yeux. Quand le boulanger l’aperçut, il fut si interdit qu’il oublia le sujet de sa plainte, et lui dit en colère : « Que veux-tu ? – Je ne demande rien, dit Ulespiègle ; vous avez dit que je verrais que vous vous plaindriez de moi au bourgmestre ; pour le voir, il faut que j’ouvre les yeux. » Le boulanger lui dit : « Ôte-toi de mes yeux ! tu es un véritable vaurien. – C’est ce qu’on m’a dit souvent, répondit Ulespiègle ; si j’étais dans vos yeux, je serais obligé de sortir par les narines, si vous fermiez les yeux. » Là-dessus le bourgmestre les laissa là tous les deux, car il vit bien que c’était une folie. Voyant cela, Ulespiègle dit au boulanger : « Maître, quand ferons-nous le pain ? Voilà que le soleil paraît. » Puis il s’enfuit et laissa là le boulanger.