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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

d’ânes à Erfurt, jeunes et vieux. Ils se rendirent auprès de lui et lui dirent : « Maître, vous avez fait afficher que vous vous chargiez d’apprendre en peu de temps à toute créature à lire et à écrire. Voici les maîtres de l’Université qui veulent vous donner un jeune âne à instruire ; osez-vous vous en charger ? — Oui, répondit-il, mais il faudra le temps, vu la sottise et l’entêtement de cette créature. » Ils consentirent à lui accorder vingt ans. Ulespiègle pensa : « Nous sommes trois : si le recteur meurt, je suis quitte ; si c’est moi, qui est-ce qui me réclamera quelque chose ? Si c’est mon disciple, je suis encore quitte. » Il accepta, et se fit promettre cinq cents écus vieux pour cela. On lui donna quelque argent à compte. Il prit l’âne et le conduisit à l’auberge du Buisson, qui était alors célèbre. Il installa son élève seul dans une écurie ; puis il prit un vieux psautier qu’il plaça dans la mangeoire, et entre les feuillets duquel il mit de l’avoine. L’âne s’en aperçut, et il se mit à tourner les feuillets avec ses lèvres, pour prendre l’avoine. Et quand il n’en trouvait plus, il criait : « i-a, i-a ! » Lorsque Ulespiègle vit cela, il alla trouver le recteur et lui dit : « Monsieur le recteur, quand voulez-vous voir ce que mon élève sait faire ? – Cher maître, répondit le recteur, est-ce qu’il commence à prendre vos leçons ? – Il est terriblement grossier, et j’ai bien de la peine à l’instruire, dit Ulespiègle ; néanmoins je suis parvenu, à force de travail et de soins, à ce point qu’il connaît quelques lettres et sait même nommer quelques voyelles. Si vous voulez