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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

la rivière, qu’on appelle la Pegnitz ; puis il s’en alla devant la maison de ville et commença à jurer, en frappant avec un vieux couteau sur le pavé, dont il faisait sortir des étincelles. Quand les gardes de nuit entendirent cela, ils furent bientôt sur pied et coururent après lui ; mais il se mit à fuir ; il gagna le marché aux cochons, et les gardes le suivaient de près. Peu s’en fallut qu’il ne fût atteint avant d’avoir gagné l’endroit du pont où il avait enlevé les trois planches. Cependant il y arriva et traversa comme il put. Quand il fut de l’autre côté du pont, il cria à haute voix : « Ohé ! arrivez donc, vous hésitez, brigands ! » Entendant cela, les gardes coururent après lui sans se douter de rien ; c’était à qui arriverait le premier ; mais ils tombèrent l’un après l’autre dans la Pegnitz. Le trou du pont était si étroit qu’ils se blessèrent en tombant. Alors Ulespiègle leur cria : « Ohé ! vous ne courez donc plus ? Vous me poursuivrez demain. Vous auriez bien eu le temps de prendre ce bain demain matin ; vous n’aviez pas besoin de tant vous presser. » Ainsi l’un se cassa une jambe, l’autre un bras, le troisième se fit un trou à la tête ; si bien que pas un n’en fut quitte sans quelque dommage. Quand il eut fait cette méchanceté, il ne resta pas longtemps à Nuremberg ; il n’aurait pas été bien aise qu’on sût qu’il avait fait le coup, car il avait peur que les habitants ne prissent pas la chose en plaisanterie.