Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
Les aventures

dernier travail, je me servois au commencement, d’une grosse pièce de bois : dans la suite je m’imaginai qu’il seroit plus commode de me servir d’un levier de fer ; c’est ce qu’il me fut facile de trouver, & que j’employai en effet ; mais malgré ce secours, je ne laissai pas de trouver que c’étoit un rude & long exercice que celui d’enfoncer les palissades.

Mais je n’avois pas sujet de me rebuter de la longueur d’un ouvrage quel qu’il fût : je ne devois aucunement être chiche de tems, & je ne vois pas à quoi je l’aurois pu employer si cet ouvrage eût été terminé, à moins que d’aller faire la visite de l’isle pour chercher de la nourriture ; & c’est aussi ce que je faisois tous les jours.

Je commençai alors à considérer sérieusement ma condition, & à peser les circonstances dont elle étoit accompagnée. Je couchai par écrit l’état de mes affaires, non pas tant pour le laisser à mes successeurs (car il n’y avoit pas d’apparence que j’eusse beaucoup d’héritiers) que pour divertir de mon esprit les pensées différentes qui venoient en foule l’accabler tous les jours. La force de ma raison commençoit à se rendre maîtresse de l’abattement de mon cœur ; & pour la seconder de tous mes efforts, je fis un état des biens & des maux qui m’environnoient, comparant les uns aux autres, afin de me convaincre qu’il y avoit des