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de Robinson Crusoé.


Mais je ne sais quelle puissance secrette vint heurter à ma conscience, me retin, & m’ôta la hardiesse de proférer les paroles que j’avois préméditées, pour me mettre dans la bouche cette apostrophe, que je me fis à moi-même à haute voix : « Quoi donc ! serois-je assez hypocrite pour prétendre remercier Dieu d’une chose à laquelle je puis tout au plus me soumette & me résigner ; mais dont je le prierois volontiers de vouloir bien me délivrer. Il faut donc corriger un mouvement peu réglé, & ramener la chose à un juste milieu : je ne puis pas témoigner de la reconnoissance d’être ici, il est vrai ; mais je puis rendre mes très-humbles actions de graces à la Providence, de ce qu’il lui a plu m’ouvrir les yeux par sa voie des afflictions, pour me découvrir la turpitude de ma vie passée ; pour me faire détester ma méchanceté, & pour me conduire dans les sentiers de ma pénitence. » Je n’ouvrois jamais la Bible ni ne la fermois, que je ne bénisse ardemment le Ciel d’avoir autrefois inspiré à mon ami, qui étoit en Angleterre, & à qui je n’en avois rien mandé, d’empaqueter ce saint Livre dans mes marchandises ; & de ce que depuis j’avois eu le bonheur de le sauver du naufrage.

J’étois dans cette disposition d’esprit ; quand