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de Robinson Crusoé.

comme s’ils n’épioient, pour faire leur irruption, que l’heure de mon départ. L’événement ne me permit point d’en douter : je m’éloignai de quelques pas, comme pour m’en aller tout-à-fait. À peine avois-je disparu, qu’ils descendirent derechef l’un après l’autre dans le champ de bled. J’en fus si irrité, que je n’attendis pas qu’ils y fussent assemblés en un plus grand nombre, d’autant plus qu’il me sembloit qu’on me rongeât les entrailles, & que chaque grain qu’ils avaloient me coûtoit bien la valeur d’un pain entier. Je m’avançai donc aussi-tôt près de la haie, tirai sur eux un second coup, & j’en tuai trois. C’étoit justement ce que je souhaitois passionnément ; car je les ramassai d’abord, pour rendre leur punition exemplaire, & les traiter comme on fait les insignes voleurs en Angleterre, que l’on condamne à rester attachés au gibet après leur exécution, pour donner de la terreur aux autres. Il n’est presque pas possible de s’imaginer quel bon effet que cela produisit. Les oiseaux depuis ce tems-là non-seulement ne venoient pas dans mon bled, mais encore ils abandonnèrent tout ce canton de l’Isle, & je n’en vis plus aucun dans le voisinage tout le tems que demeura l’épouvantail. J’en eus une joie extrême, vous pouvez bien croire ; & je fis ma récolte sur la fin de Décembre, qui