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de Robinson Crusoé.

& lieu pour exercer la libéralité envers les autres. Qu’on mette à la place où j’étois, par exemple, l’Harpagon du monde le plus avide, je soutient qu’il sera bientôt guéri de la passion d’avarice. En effet, j’avois du bien par-dessus les yeux, & je ne savois qu’en faire. Je ne pouvois rien desirer de plus, excepté seulement quelques petites bagatelles qui me manquoient, & qui m’auroient été néanmoins d’un grand secours. J’ai déjà fait mention d’une somme que j’avois par devers moi, tant en or qu’en argent, & qui montoit à-peu-près à trente-six livres sterling : hélas ! que ce meuble étoit inutile pour moi ! qu’il attiroit peu mon attention ! c’étoit à mes yeux quelque chose de moindre que la boue ; & je n’en faisois pas plus de cas que d’usage. Je me disois souvent à moi-même, que je donnerois volontiers une poignée de cet argent pour un nombre de pipes à fumer, du tabac, ou pour un moulinet à moudre mon bled. Que dis-je ? j’aurois donné le tout pour autant de semence de carottes qu’on en a pour six sols en Angleterre ; & j’aurois cru faire un excellent marché, si j’avois pu changer ces espèces contre une poignée de pois & de feves, & une bouteille d’encre : car dans la conjoncture où je me trouvois, il ne m’en revenoit pas le moindre avantage ni la moindre douceur ; mais elles crou-