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Les aventures

an avant que je pusse faire du pain du bled que j’avois semé.

Mes habits commençoient aussi à dépérir. Il y avoit long-tems que je n’avois plus de linge, hors quelques chemises bigarrées que j’avois trouvées dans les coffres des matelots, & que je conservois autant qu’il m’étoit possible, parce que très-souvent je ne pouvois supporter d’autre habit qu’une chemise. Ce fut un grand bonheur pour moi de ce que parmi les habits des matelots j’en trouvai trois douzaines. Je sauvai aussi quelques surtouts grossiers ; mais ils me furent de peu d’usage, ils étoient trop chauds.

Quoique les chaleurs fussent si violentes que je n’avois aucun besoin d’habits, cependant quoique je fusse seul, je ne pus jamais me résoudre à aller nud. Je n’y avois aucune inclination, je n’en pouvois pas même supporter la pensée. D’ailleurs la chaleur du soleil m’étoit plus insupportable quand j’étois nud, que lorsque j’avois quelques habits sur moi. La chaleur me causoit souvent des vessies sur toute la peu ; au lieu que lorsque j’étois en chemise, l’air entrant par-dessous, l’agitoit de façon que j’en étois deux fois plus au frais. De même, je ne pus jamais m’accoutumer à m’exposer au soleil sans avoir la tête couverte : le soleil dardoit ses rayons avec une telle violence, que lorsque j’étois sans chapeau,