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Les aventures

auroient pu devenir sauvages presque ni plus ni moins que si je leur eusse donné la liberté de courir dans l’île : & d’ailleurs je n’aurois jamais pu les attraper.

Ma haie étoit déjà avancée d’environ cinquante aunes, lorsque cette pensée me vint. Je changeai donc le plan de mon enclos, & je résolus que sa longueur ne seroit que d’environ 120 aunes, & sa largeur d’environ 200. Cela me suffisoit ; cet espace étoit assez grand pour qu’un troupeau médiocre de boucs pût s’y maintenir. Que s’il devenoir fort grand, il m’étoit aisé d’étendre mon enclos.

Comme ce projet me paroissoit bien inventé, j’y travaillai avec beaucoup de vigueur : & pendant tout cet intervalle, je faisois paître mes chevreaux auprès de moi, avec des entraves aux jambes, de crainte qu’ils ne s’échapassent. Je leur donnois souvent des épis d’orge, & quelques poignées de riz. Ils les prenoient dans ma main, & de cette manière je les rendis tellement apprivoisés, que, lorsque mon enclos fut fini, & que je les eus débarrassés de leurs entraves, ils me suivoient partout bêlant pour quelques poignées d’orge ou de riz.

Dans l’espace d’un an & demi, j’eus un troupeau de douze, tant boucs que chèvres & chevreaux ; deux ans après j’en eus 43, quoique j’en