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Les aventures

moi, qu’il n’oublieroit rien pour me mettre en possession de cet état de vie qu’il venoit de me recommander ; que si je n’étois pas content & heureux dans le monde, ce seroit sans doute ma propre faute ou ma destinée ; qu’après avoir fait son devoir, en m’avertissant du préjudice que me causeroient de fausses démarches, il n’étoit plus responsable de rien ; en un mot, que, comme il travailloit à mon bonheur, si je voulois demeurer à la maison & m’établir de la manière qu’il le désiroit, aussi ne vouloit il pas contribuer à ma perte en favorisant mon départ. Il conclut en me disant, que j’avois devant les yeux l’exemple funeste de mon frère aîné, à qui il avoit pareillement représenté ces puissantes raisons pour le dissuader d’aller à la guerre des Pays-bas ; qu’il n’avoit pu l’empêcher de suivre une résolution de jeune homme, ni de courir à sa perte en embrassant le parti qu’il lui défendoit. Il ajouta qu’il ne cesseroit jamais de prier pour moi ; mais qu’en même tems il osoit m’annoncer que, si je faisois ce faux pas, Dieu ne me béniroit point, & qu’à l’avenir j’aurois tout le loisir de réfléchir sur le mépris que j’aurois fait de ses conseils, sans trouver le moyen d’en réparer la perte.

Ce discours fut véritablement prophétique, quoiqu’à mon avis il ne le crût point tel ; & je remarquai sur la fi que les larmes couloient